Le portrait d’Aretha Franklin qui orne la pochette de l’album est des plus charmants. Ses yeux pétillants, son sourire qui respire le bonheur ne trompent pas sur l’état de forme de la Reine en l’an de grâce 1968. Elle est heureuse, jouit d’un succès considérable, et aligne avec une facilité déconcertante les standards en puissance. Aretha Now ne sort que six mois après le classique Lady Soul. Insatiable, elle nous régale à nouveau d’une sélection de hits à la hauteur de son talent royal. Bien que moins célèbre que Lady Soul, ce quatrième album enregistré chez Atlantic Records n’en est pas moins une grande leçon de soul sudiste. Une fois de plus, elle est accompagnée par la crème de la crème des musiciens de l’époque. Tous les éléments sont donc réunis pour qu’Aretha Now soit la nouvelle bombe du catalogue de Jerry Wexler.

Vous voulez du caviar en hors d’œuvre ? Eh bien, vous allez être servis. Quoi de mieux que « Think » pour ouvrir les festivités. En deux minutes vingt, la Reine met tout le monde d’accord. Le tempo va à cent à l’heure et Aretha chante avec une ferveur et une énergie ébouriffantes. Terriblement excitante, notamment grâce au travail formidable des Sweet Inspiration, cette composition en or au refrain fédérateur est un véritable chef-d’œuvre. Et un verre de champagne ne serait pas de trop non plus ? « I Say A Little Prayer » est le Dom Perignon de la ballade soul. Les mélodies pétillent comme les fines bulles dans une coupe de cristal.

Pour le plat principal, Aretha franklin a sollicité les meilleurs chefs : Steve Cropper signe l’explosif « See Saw », du R’n’B classique qui croustille sous la dent. Et comme elle apprécie particulièrement les saveurs de Memphis, elle reprend « I Take What I Want », composé par le duo phare de Stax, Isaac Hayes et David Porter. La version du célébrissime « Night Time Is The The Right Time » est cuisiné aux petits oignons, au goût relevé par des improvisations jazzy savoureuses. Le sensuel « You Send Me » est un cru fruité, idéal avant de passer aux mets plus épicés. En effet, les pimentés « You’re a Sweet Sweet Man » et « Hello Sunshine » brûlent le palais et font monter la température.

Après tant de passions aiguisées, le dessert se devait d’être à la hauteur. Le parfum gospel d’ « A Change » et le fondant « I Can’t See Myself Leaving You » prolongent le sentiment d’extase de cet album presque parfait. Une fois de plus, Aretha Franklin signe une immense performance. Tout n’est que spontanéité et décontraction. Totalement décomplexée, Aretha Franklin a complètement dominé les débats en matière de soul féminine en 1967 et 1968 en dégainant à quatre reprises des albums considérés aujourd’hui comme des classiques indémodables.