Lady Soul constitue un sommet dans la riche carrière d’Aretha Franklin. Après le magistral I Never Loved A Man, et l’excellent Aretha Arrives, elle écrase encore une fois de plus la concurrence et impose sa soul chaude sans difficulté dans les Charts. Souvent présenté comme l’un des meilleurs albums de Soul, ce disque présente en effet une sélection de dix morceaux époustouflants. La plupart sont devenus des chefs d’œuvres intemporels marquant au fer rouge l’histoire de la musique populaire américaine. Symbole de l’Amérique noire, la reine de Soul fait la fierté de la communauté noire, mais force est de constater qu’Aretha Franklin touche un public très large et pas seulement les personnes de sa couleur. En effet, « Chain of Fools », « A Natural Woman » et « Since You've Been Gone » s’installent en tête du classement pop, ce qui est synonyme pour la diva d’une gloire nationale et même internationale.

Jerry Wexler, le patron d’Atlantic qui a fait d’Aretha franklin une reine est toujours aux commandes. Les conditions du succès d’I Never Loved A Man sont à nouveau réunies. Le groupe qui accompagne la diva est en partie identique à celui des premières sessions de 1967, même si l'orchestre est beaucoup plus étoffé. On retrouve ainsi la même section rythmique, King Curtis au saxophone, les sœurs de ‘Retha dans le chœur en compagnie des Sweet Inspiration. Quelques invités de marque sont également de la partie comme Eric Clapton qui apporte une petite touche blues sur l’ardent « Good to Me As I Am to You ».

« Chain of Fools » annonce la couleur : Lady Soul est un disque chauffé à blanc ; la rythmique très dynamique, le chœur énergique mettent le feu à l’interprétation d’Aretha Franklin qui fait preuve d’une vitalité étonnante sur « Niki Hoeky » ou « Since You’ve been Gone ». Cette dernière joue une soul sans concession, imprégnée de gospel et embrasée par une section de cuivre aux taquets. Le disque est composé de quelques reprises de grands noms de la soul comme le bouillonnant « Money Won’t change You » de James Brown et le trépident « Come Back Baby » de Ray Charles.

Le timbre éclatant de la diva s’adapte aussi bien aux rhythm’n’blues effrénés qu’aux ballades poignantes et débordantes d’émotions. Après tant d’énergie déployée, « Groovin’ » la montre sous un jour plus serein. Sa voix prend toute son ampleur au cours de slows langoureux comme « People Get Ready » composé par le jeune Curtis Mayfield ou l’éblouissant « (You Make Me Feel) Like a Natural Woman ». Enfin, elle met son âme à nu sur le final intense composé par sa sœur Carolyn Franklin, « Ain’t No Way ».

Sorti quelques semaines seulement après la mort dramatique d’Otis Redding, Lady Soul permet en quelque sorte de faire le deuil de cette perte douloureuse. La reine de la soul semble avoir atteint l’apogée de sa carrière. Pourtant, elle va encore enregistrer une série de très bons albums pour Atlantic. L’heure du déclin ne sonnera qu’au milieu des années soixante-dix. En attendant, Aretha franklin s’impose à vingt-six ans comme la plus grande star de la soul music.