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The BYRDS - Sweetheart Of The Rodeo (1968)
Par BAAZBAAZ le 27 Avril 2014          Consultée 6637 fois

Il y a deux catégories de gens dans le monde. Ceux qui écoutent de la country, et ceux qui n’y comprennent rien. Autrement dit : les Américains et le reste du monde. Car cette musique-là est hors de portée de l’entendement de tout être humain né hors des frontières des Etats-Unis. Elle est l’expression d’une altérité culturelle totale, absolue. Rien n’est comparable. Le Sujecheon de Corée ? Le Virindu du Sri Lanka ? Non, rien : les styles exotiques les plus étranges aux oreilles de l’Européen moyen sont plus faciles d’accès que cette chose terrible, presque effrayante, qu’est la country. Elle est l’expression du gouffre culturel abyssal, insondable, qui s’est créé entre le Vieux continent – cela inclut pour une fois l’Angleterre – et le Nouveau monde.

Sweetheart of the Rodeo est un disque country. Voilà, tout est dit. Mais il est important, au regard des générations à venir, de retracer les causes précises d’une telle catastrophe afin d’éviter qu’elle ne se reproduise. Le problème est que les BYRDS sont, début 1968, un groupe décimé, exsangue et vidé de sa substance artistique. Les membres originels sont partis les uns après les autres et le délicat équilibre entre osmose musicale et guerre des égos – qui avait abouti à d’immenses albums – s’est brisé. Restés seuls, les deux survivants sont paumés. Le roi McGuinn est nu : incapable d’écrire seul une bonne chanson (si ce n’est en recyclant le répertoire folk traditionnel) le grand leader autoproclamé n’a plus rien à dire. Quant à Hillman, pourtant solide, il semble avoir donné le meilleur de lui-même sur les disques précédents et se révèle lui aussi à sec. Les jolies mélodies d’autrefois se sont envolées.

Dès lors il faut recruter. Ne serait-ce que pour continuer les tournées en attendant qu’une idée vienne. C’est comme ça que Kevin Kelley, le cousin de Hillman, est embauché à la batterie. Puis le loup entre dans la bergerie en la personne de Gram Parsons. Le voilà, le responsable. Gosse de riche du Sud, fan de MERLE HAGGARD et obsédé par la country, il est d’abord enrôlé comme simple pianiste. Mais Parsons a un plan : s’emparer des BYRDS, en prendre le contrôle et les faire jouer la seule musique qui l’intéresse. Il voit son avenir en grand et il a besoin d’un groupe docile pour assouvir ses ambitions. En plein désarroi, subjugués par sa personnalité charismatique et enthousiaste, McGuinn et Hillman cèdent rapidement face à leur nouveau gourou. En mars 1968, tout le monde fait ses valises pour Nashville.

Les hippies débarquent ainsi dans le temple du traditionalisme musical américain. Mais une fois sur place, il faut composer. Or ça, Parsons ne sait pas le faire. Artiste nettement surestimé qui ne doit sa gloriole qu’à son joli sourire et à sa mort précoce (il fait une overdose fatale en septembre 1973, à 26 ans), il peine à apporter aux BYRDS l’étincelle de créativité dont ils ont alors besoin. Les deux chansons qu’il signe (« Hickory Wind » et « One Hundred Years from Now ») sont de la banale country sans éclat, sans force, à la limite du pastiche grossier. Quant au reste de l’album, il est laborieusement comblé avec des reprises. Neuf reprises… Dont deux de DYLAN, devenue la roue de secours du groupe. Mais au moins celles-là surnagent-elles au sein d’un disque raté où toute trace des influences anglaises a complètement disparu.

Car c’est bien là le problème fondamental de Sweetheart of the Rodeo. La force des BYRDS, à l’origine, avait été de lier deux mondes distincts : la musique américaine et les mélodies importées de Londres ou de Liverpool. Le folk et la British invasion. Et ce mélange, ce pont interculturel jeté par-delà l’Atlantique, puis mêlé de sonorités psychédéliques, avait engendré des albums d’une beauté inouïe. Sans oublier la façon dont Hillman, à travers quelques chansons magistrales, avait déjà réconcilié la country et les BEATLES. Mais cette fois, tout cela a disparu. Le lien entre les mondes a été rompu. Avec ce disque, les BYRDS se replient complètement sur l’Amérique. Il en résulte alors des chansons dont les titres (« The Christian Life », « Blue Canadian Rockies ») ont de quoi faire fuir l’ethnomusicologue le plus aguerri.

Le pire est que Nashville ne veut pas d’eux. Le public ultraconservateur du coin les voit comme des hippies singeant la country intouchable et sacrée. Conspuée lors de son seul concert sur place, la fine équipe s’enfuit la tête basse. Puis tout s’enchaine : McGuinn s’ébroue enfin et sort de son état d’hypnose. Il comprend dans un éclair de lucidité qu’il est en train de devenir le membre subalterne d’un improbable groupe nommé GRAM PARSONS AND THE BYRDS… Il fonce en studio pour effacer au maximum la voix de Parsons et la remplacer par la sienne. Avant même que l’album ne sorte en août 1968, le pseudo petit génie de la country a déjà été évincé, préférant la compagnie de ses nouveaux amis les ROLLING STONES.

Bilan ? L’album divise, et c’est peu dire. Certains y voient la naissance de la country rock, un jalon majeur, un moment historique, etc. C’est faire preuve de beaucoup de tolérance. En effet, les groupes qui se sont engouffrés dans la brèche, de POCO aux EAGLES, ont tous su garder dans leur musique une dimension mélodique universelle. En ce sens, ils sont bien plus les héritiers des grands BYRDS de 1966-1967. Que le disque ait fait un bide en Angleterre, là où le groupe avait toujours suscité de l’engouement et des passions, n’est d’ailleurs pas anodin : bien que produit de main de maître (le son est rutilant) Sweetheart of the Rodeo – pour qui ne goûte pas les plaisirs hermétiques de la country – est juste insipide et ennuyeux à mourir.

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   (2 chroniques)



- Roger Mcguinn (guitare acoustique, banjo, voix)
- Chris Hillman (basse, mandoline, voix)
- Gram Parsons (guitare acoustique, piano, orgue voix)
- Kevin Kelley (batterie)
- Clarence White (guitare électrique)


1. You Ain't Going Nowhere
2. I Am A Pilgrim
3. The Christian Life
4. You Don't Miss Your Water
5. You're Still On My Mind
6. Pretty Boy Floyd
7. Hickory Wind
8. One Hundred Years From Now
9. Blue Canadian Rockies
10. Life In Prison
11. Nothing Was Delivered



             



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