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ROCK FRANçAIS  |  STUDIO

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- Style : Eddy Mitchell

Jacques DUTRONC - Jacques Dutronc (et Moi, Et Moi, Et Moi) (1966)
Par MARCO STIVELL le 17 Juillet 2015          Consultée 4742 fois

Sept cent millions de Chinois, et moi et moi et moi... J'y pense, et puis j'oublie ; c'est la vie, c'est la vie.... Quelques vers lancés par une voix insolente sur un tempo country rythment l'été 1966, passent en boîte tous les soirs. Du folk-rock, des paroles intelligentes, parmi les premières du rock français. Ca laisse rêveur ! On doit ce coup de génie à trois personnes disposées en triangle équilatéral et toutes trois appelées Jacques, curieusement. Le premier, Jacques Wolfsohn, directeur artistique chez Vogue, a lancé Johnny HALLYDAY et Françoise HARDY.

En réponse au succès récent d'un certain ANTOINE, il lâche deux grands gamins dans la cour de récré. Ceux-ci n'ont pas vraiment le même âge : Jacques Lanzmann, né en 1927, frère du réalisateur Claude (Shoah...), a été résistant durant la Guerre et militant gauchiste ; il dirige alors le magazine Lui, écrit des romans. Wolfsohn lui fait rencontrer Jacques DUTRONC, un minet blond de 22 ans, très présent au Golf-Drouot – le temple de la jeunesse, compositeur pour les FANTÔMES (SHADOWS à la française) et guitariste au sein d'EL TORO ET LES CYCLONES.

Sous l'œil avisé de Wolfsohn, qui signe le duo chez Vogue, Lanzmann fournit les mots et DUTRONC la musique. Pour comprendre le succès du premier album, il suffit de retourner la pochette : "Les Cactus", "Les Play-Boys", "La Fille du Père Noël", "Et Moi, et Moi, et Moi", ces quatre morceaux seuls colleront à la peau de leur interprète durant toute sa vie.

Malgré des parti-pris et références bien ancrés dans leur époque et adressés à une jeunesse sulfureuse, pour parler vulgairement, c'est toujours aussi bon ! Lanzmann, contestataire, avec un franc-parler sans égard pour la vertu, glisse des piques au capitalisme ("Sur une nappe de restaurant"), aux journaux télévisés ("On nous cache tout...", toujours très actuel...), un maximum de coquineries, du tigre dans la guitare à la rencontre sexy de Marie Noël et Jean Balthazar, fils du père Fouettard.

Le caractère bouillonnant s'immisce à travers des effets récurrents, une écriture rythmique, une ivresse de jeux de mots, les passes entre "eux" et "moi". DUTRONC incarne tout cela avec une malice savoureuse, une voix de garnement, parfois approximative. Malgré sa timidité naturelle, il s'amuse sur les plateaux télé à balancer, avec un sourire railleur et de beaux yeux brillants qui attireront ceux de Françoise HARDY : Dans mon slip, j'ai mis des cactus ! Aïe, aïe, aïe, ouille !, Moi, j'ai un piège à filles, un piège tabou, un joujou extra..., Mini moke et mini jupe, maxi moche et maxiput.

Ceux qui n'avaient alors 'jamais entendu ça !' se réjouissent tout autant de l'apport musical, le swing folk de "Et moi et moi et moi" repris en écho dans "Mini-Mini-Mini" à la fin du 33-tours, l'anticipation du courant garage-rock avec "Les gens sont fous..." et "Les Cactus", le jazz sur "Les Play-Boys" tout aussi cher à DUTRONC, fils d'intellectuels, et même "La Compapadé", parodie délurée de musique africaine avec percussions en pagaille et échange d'onomatopées vocales infantiles.

Parlons encore des hommages au folk-song de Bob DYLAN, avec le superbe "L'Espace d'une fille" et "L'Opération" où l'imitation du Zim est parfaite (sauf le chant, nettement meilleur ! héhé). Le texte est excellent, un 'docteur' greffe un nouveau cœur à une fille volage pour la rendre fidèle. Tout cela servi par la basse de Hadi Kalafate, vieil ami de DUTRONC, par la batterie et les caisses claires mitrailleuses de Michel Pelay, les rythmiques de Jacques Pasut entremêlées avec celles de DUTRONC – très BYRDS tout ça ! –, la hargne virtuose du grand Jean-Pierre Alarcen et les claviers d'un certain Alain Le Govic, mieux connu sous le nom d'Alain CHAMFORT.

Un tel degré de qualité était alors rare dans les 33-tours de rock français, même si celui-ci, publié en octobre, est une collection standard de chansons, basé sur un E.P éclaireur. Ne parlons pas des paroles, nettement plus riches que celles de Johnny et des autres, collègues et concurrents que nos frères Jacques ne provoquent cependant pas comme ANTOINE a pu le faire. Un album certes pas parfait ("La Compapadé", c'est selon l'humeur ; quelques fondus conclusifs un peu faciles), mais, comme le dit un ami, 'un album qui fait du bien'. Du bien par où il passe : dans la poésie ou les coups de pied au cul, de "On nous cache tout, on nous dit rien" (quel son !) à "L'Espace d'une fille", en passant par la carte de visite, l'imparable "Et moi, et moi, et moi". Du pur génie !

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   MARCO STIVELL

 
  N/A



- Jacques Dutronc (chant, guitares rythmique et solo, percussions)
- Michel Pelay (batterie)
- Hadi Kalafate (basse, percussions)
- Jacques Pasut (guitare rythmique)
- Jean-Pierre Alarcen (guitare solo)
- Alain Le Govic (piano, orgue)


1. Les Play-boys
2. L'espace D'une Fille
3. Sur Une Nappe De Restaurant
4. J'ai Mis Un Tigre Dans Ma Guitare
5. Les Cactus
6. Et Moi, Et Moi, Et Moi
7. L'opération
8. On Nous Cache Tout, On Nous Dit Rien
9. La Fille Du Père Noël
10. Les Gens Sont Fous, Les Temps Sont Flous
11. La Compapadé
12. Mini-mini-mini



             



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