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- Style : Eddy Mitchell

Jacques DUTRONC - C'est Pas Du Bronze (1982)
Par MARCO STIVELL le 17 Avril 2016          Consultée 3540 fois

Malgré son retour remarqué à la musique et le succès de Guerre et pets (disque d'or), Jacques DUTRONC persévère dans le milieu du cinéma en ce début d'années 80. L'étonnant Malevil, adapté du roman de Robert Merle par Christian De Chalonge, concept moitié rural moitié S-F, lui permet de retrouver Michel Serrault, Jacques Villeret et Jean-Louis Trintignant – excusez du peu ! Toutefois, l'artiste reprend vite le chemin des studios Ferber, à raison.

Avec le recul, et connaissant le caractère à la fois perfectionniste et oisif de DUTRONC, on peut craindre qu'une année et demie soit un laps de temps trop court entre deux disques, à son échelle – cela se produit pour la dernière fois, en effet ! Nenni ma foi, Tonton Jacques a plus d'un tour dans son sac.

C'est pas du bronze débute avec la chanson du même nom, aux cuivres étincelants et gros riffs de guitare pour un blues Rocky Balboa, festival de musique rock qui augure du meilleur concernant l'ensemble. L'arrangeur et claviériste Robert Mark "Robbi" Finkel est un musicien américain méconnu en France, malgré certaines participations à des oeuvres de choix (le diptyque Champagne/Caviar d'HIGELIN, la Symphonie Celtique de STIVELL), y compris ce disque qui n'est pas le plus connu de DUTRONC, malgré un succès comparable au précédent.

Egalement parues chez Gaumont Musique, la plupart des chansons de C'est pas du bronze sont tombées dans l'oubli, ce qui est fort regrettable. D'autant plus que Jacques doit travailler désormais sans son vieux complice, le bouillonnant Lanzmann. Très curieusement, la femme de ce dernier, Anne Ségalen, écrit la plupart des textes (son nom n'était plus apparu depuis le deuxième album en 1968 !), quand DUTRONC ne le fait pas tout seul. Eh oui !

D'ailleurs, il se débrouille bien, le bougre. Si l'on tient compte de notre actualité brûlante -car ça tombe à pic !-, on ricanera à l'écoute de "Savez-vous planquer vos sous ?", comme Tonton Dudu le fait dans l'intro. Sur un tempo boogie-rock, il détourne habilement la chanson traditionnelle qui concerne la plantation des choux, sans reprendre la mélodie mais en se payant bien la tête de nos politiciens et des paradis fiscaux (Au Luxembourg qu'est-ce qu'on se bourre/Aux Bahamas qu'est-ce qu'on s'ramasse...). Les pays ont changé, mais Mitterand ne faisait déjà pas la différence...

Les arrangements bien sentis font se côtoyer les pianos-bar de Robbi Finkel, les guitares nerveuses, les percussions d'Emmanuel Roche, impeccables sur le rhythm'n'blues de "L'autruche" et sur le morceau-titre, ainsi que la basse versatile du génial Guy Delacroix, très en avant sur le disco "Remue-ménages". On constate donc qu'une fois de plus, Jacques DUTRONC mise sur la diversité musicale tout en parvenant à maintenir la qualité d'ensemble ; parfois, on est à un niveau similaire aux meilleures oeuvres de Bernard LAVILLIERS, à la même époque.

On pourrait penser que la prose d'Anne Ségalen ne peut égaler la fougue de Jacques Lanzmann ; ce serait occulter des années de vie commune ! "Transit aigu" à l'esprit carnaval de Rio sont volontairement grotesques, mais ça va si bien à DUTRONC, ce costume travelo fofolle. Comme un clin d'oeil aux vieux copains Johnny et Eddy, "Le Coeur lourd dans mon poids lourd" est une ballade country splendide qui aurait pu s'insérer sans mal sur un album de la fin des années 60. Notre routier solitaire impromptu chante peu importe le camion tant qu'on a le béguin, mouarf !

Et puis, à côté de ça, en plus d'une pochette sexy (c'est l'époque où DUTRONC commence à ne plus quitter ses lunettes teintées), on a quelques slows qui comptent parmi les meilleurs de l'artiste. Sincèrement, il n'y a que lui pour chanter une ode aux omoplates et aux amygdales d'une femme avec un ton crooner-lover jazz ("L'écorchée vive"), et pour faire autant d'effet.

"Berceuse", titre ironique pour un blues de Parisien insomniaque, énumère les noms de médicaments et les causes de veillées diverses (impôts à payer, repas chinois et mal de ventre...). Caressé par un piano seul et feutré, DUTRONC révèle une classe intergalactique ; c'est peut-être la seule chanson française de l'histoire qui débute avec les mots 'Phénergan, Mogadon'. Que dire alors de la mélodie et du texte (écrit par lui-même) de "Tous les goûts sont dans ma nature" ? C'est pas du bronze, certes, c'est de l'or, du velours. Le son global est, en outre, plus rétro que moderne.

En bref, le meilleur album des années 80 pour l'artiste reste un de ses moins connus. DUTRONC n'a pas son pareil pour mêler ballades jazz et tempos rock, douceur et provoc', pour maîtriser son propos musical autant que les mots qu'on lui propose et pour écrire des chansons qui marquent autant que des tubes, sans en avoir la couleur.

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   MARCO STIVELL

 
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- Jacques Dutronc (chant, compositions)
- Robbi Finkel (claviers, arrangements et direction musicale)
- Johnny Simms, Paul Breslin, Alain Pewzne (guitares)
- Guy Delacroix (basse)
- Bruno Castellucci (batterie)
- Emmanuel Roche (percussions)
- Gilbert Dall'anese (saxophones)
- Robert Castagne, Antoine Russo (trompette)
- Jacques Bolognesi, Jean-marc Welch (trombone)
- Marc Steckar (trombone basse, tuba)
- Jean-Pierre Lozach (pedal-steel guitare)
- Benoit Blue Boy (harmonica)
- Ariane Cadier, Arthur Simms (choeurs)


1. C'est Pas Du Bronze
2. Tous Les Goûts Sont Dans Ma Nature
3. Savez-vous Planquer Vos Sous
4. L'Écorchée Vive
5. L'autruche
6. Le Cœur Lourd Dans Mon Poids Lourd
7. Vidéo Gratias
8. Remue-ménages
9. Berceuse
10. Transit Aigu



             



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