Et ils partirent très loin. Anthem of the Sun, deuxième album du GRATEFUL DEAD, est la célébration en grande pompe de leur 'rock sous acides', qu'ils prennent déjà depuis des années et qui a façonné leur image certes. Mais voilà, ça y est, le but est pleinement atteint ! C'est qu'ils sont deux batteurs désormais avec Mickey Hart en plus de Bill Kreutzmann, et deux claviéristes car Pigpen l'organiste est rejoint par le pianiste Tom Constanten ; qui peut en dire autant à l'époque, mis à part les groupes de fusion jazz-rock ? Contrairement à beaucoup de groupes y allant pas à pas, les natifs de Palo Alto passent du premier album relativement simple encore aux folles expérimentations en tous genres sur des morceaux parfois longs, qui gardent quelques pointes de repères tout de même. Un extrême, mais lequel ! Aucun membre n'est parti pendant l'enregistrement ni après, preuve d'une solidité musicale autant qu'humaine, à toute épreuve. Et d'un disque brillantissime, au-delà de ses exigeances, cosmique tel les guitares distordues du milieu de "Caution".

Les quelques moments folk-blues enracinés de "New Potato Caboose" (grand fan de la voix de Bob Weir, des lignes de basse extraterrestres de Phil Lesh !) se fondent littéralement dans l'aspect collage studio-live monumental. Le piano préparé (ou dont le son est altéré par l'emploi de divers objets du quotidien) de Tom Constanten, influencé par les contemporains Karlheinz STOCKHAUSEN et John CAGE, s'illustre auprès d'un solo de Jerry Garcia sur la fin de "That's It for the Other One". Les pistes vocales se complètent ou se superposent dans un effet hallucinogène de plus en plus présent au milieu de l'album, sur "Born Cross-Eyed" et surtout "Alligator". Sur cette dernière, les guitaristes s'amusent avec leurs kazoos (de quoi donner ensuite l'idée à PINK FLOYD pour leur "Saucerful of Secrets" ?), supplantant l'harmonica de Pigpen du premier album, tandis que lui-même, débordant d'énergie sexuelle, éructe et plane sur les batteries et percussions tribales/exotiques de Kreutzmann et Hart. Idem sur "Caution" première partie. On ne sait plus jamais très bien quand le groupe est en studio, quand il est live ; on se laisse porter, et on ne voit pas le temps passer.

Note réelle : 4,5