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GRATEFUL DEAD - Blues For Allah (1975)
Par MARCO STIVELL le 17 Septembre 2022          Consultée 1569 fois

Au début de l'année 1975, le GRATEFUL DEAD est en pause indéterminée. Jerry Garcia & co avaient décidé d'arrêter la scène pour des raisons financières trop lourdes, avec leur 'mur du son' onéreux et épuisant, mais l'idée devint également d'arrêter tout court. Impossible, quand on est en pleine débauche créative, et même si une moitié des membres est à droite à gauche ! Bob Weir va filer un coup de main à KINGFISH pour leurs débuts, le couple Godchaux enregistre un album commun et, en plus d'oeuvres en solo sous son propre nom, notre guitariste en chef forme le JERRY GARCIA BAND, autre manière d'exploiter sa science des jams. Leur distribution indépendante nécessite pourtant un retour en studio du DEAD, quelques mois seulement après le choix fatidique. Autre bonne nouvelle : Mickey Hart est de retour – et pour de bon -, après quatre années d'auto-pénitence pour les mauvaises actions de son père.

L'enregistrement du nouvel album se fait au home-studio tout récent de Bob Weir à Mill Valley, au nord de San Francisco. Le groupe, pour qui retravailler ses morceaux mûris lors des concerts a souvent été une forme de contrainte, décide cette fois de partir sur des bases totalement fraîches, un pur esprit d'impro-compo entre quatre murs, et semble n'en libérer que mieux sa créativité ! Un événement les marque particulièrement cette fois, un mois après le début de ces efforts communs : le 25 mars, est assassiné en Arabie Saoudite le roi moderniste Fayçal ben Abdelaziz al Saoud (par son propre neveu), grand fan du GRATEFUL DEAD de ses propres dires. L'envie d'hommage, tout en rendant grâce au Dieu de cette partie du monde, influence naturellement la musique de Blues for Allah. Les paroles de Robert Hunter, imprégnées d'Orient (et même plus loin, "Crazy Fingers" qui est nourri de haïkus, poème japonais), sont écrites en arabe comme en anglais sur la pochette.

Pochette formidable que l'on doit à Phillip Garris, multi-récompensée et à raison, tellement fidèle à l'esprit du DEAD tout en y injectant une touche personnelle ainsi qu'un encadrement brun sablé qui appelle déjà l'esprit oriental. De quoi parler au public qui en fait l'une des oeuvres les mieux vendues du groupe, plus que Wake of the Flood et avec un semblant de concept à la clef ! En fait, Blues for Allah est le mélange quasi-parfait de musique rock autant inspirée par l'Est et son élégante spiritualité que par les habituelles 'bonnes vibrations' de l'Ouest, incarnées par la Californie moderne. Le jeu mineur-majeur, sur le plan mélodique aux harmonies parfois inquiétantes et caractéristique des grandes régions allant des confins de l'Iran à la Grèce se voit totalement exploité dans les arpèges et développements inédits du morceau-titre, long de 12 minutes.

Le groupe y chante en chorale, le plus souvent groupée, pour un mélange de prière et d'incantation au début et à la fin. Les percussions de Hart offrent un pendant exotique aux roulements de Kreutzmann ; les arpèges hétéroclites, superbes et savants de Weir et Garcia s'entrecroisent, ce dernier insistant bien sur un solo-mandoline lors d'une jam époustouflante. Quelle ambiance ! Et le GRATEFUL DEAD de redevenir cosmique à souhait, en passant les cymbales au phaser, en usant de ce son distordu que Jerry Garcia affectionne depuis trois ou quatre ans, pour toute couleur arabique en supplément bienvenu. Une fois de plus, lui et ses amis sont décidés à nous fournir une musique de qualité et "Blues for Allah" le morceau en est à lui seul l'illustration.

Leur but n'était pas de coller leurs influences comme d'ordinaire, mais d'offrir quelque chose de nouveau, même pour eux. Cela donne presque un style par morceau voire plusieurs, et davantage d'instrumentaux. "King Solomon's Marbles" par exemple, divisé en deux parties comme l'éponyme mais nettement plus court, emmène l'auditeur en terrain jazz-rock fougueux. Le duo de batteurs s'y exprime à loisir, le clavier de Godchaux dialogue avec la guitare lead, et il faut attendre le final de cette récréation pour trouver un passage mélodique classique, magnifique d'ailleurs. À l'inverse, on trouve le fort joli "Sage & Spirit", respiration acoustique avec arpèges très travaillés, nommé ainsi grâce aux prénoms des deux filles de Rock Scully, manager du groupe. Un clin d'oeil galant dont elles peuvent être fières car, chez GRATEFUL DEAD, ce type de moment mineur a de l'envergure.

Bob Weir fournit et chante le groovy "The Music Never Stopped", sur des paroles de John Perry Barlow comme à l'accoutumée. Il est très amusant d'entendre Phil Lesh tenter de reprendre à son compte les lignes de basse folles que l'on peut entendre chez Stevie WONDER ! C'est tout à sa gloire, de même que ce morceau pour Weir taillé pour les ondes mais pas sur mesure, grâce à un court passage bluesy voulu par le groupe extraterrestre. Steven Schuster, seul invité présent, vient y faire ronfler son saxophone alto ; il joue également de la flûte sur "Sage & Spirit". Donna Jean Godchaux, plutôt rare sur cet album, brille en classe impériales tout comme lors des envolées finales suaves de "Blues for Allah".

Et ce n'est pas fini ! L'entêtant et chaleureux "Franklin's Tower", curieusement enchaîné au titre qui le précède, est lui aussi pensé comme single, tandis que "Crazy Fingers" s'impose comme un reggae de l'espace, plus inventif que la moyenne de ce style en général. Le triangle, le tapis d'orgue et de choeurs, les harmonies et la guitare avec chorus, le passage folk en conclusion, quelles gourmandises ! Néanmoins, en dépit de cette richesse, de tout ce qui rend cette oeuvre si précieuse malgré quelques menues réserves, mon moment favori demeure le doublet "Help on the Way/Slipknot!" d'ouverture. La claque donnée par ce riff introductif avec le son de rigueur, typiquement west-coast, né d'une soirée pépère sur la colline en bord de mer ou sur la plage, ah ! Feel good à fond, voix sensuelles, guitares/basse enchanteresses, solo parfait et pianos mélangés (acoustique/Rhodes), c'est un plaisir pur et prolongé par l'instrumental en seconde partie.

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   MARCO STIVELL

 
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- Jerry Garcia (guitares, chant)
- Bob Weir (guitares, chant, choeurs)
- Phil Lesh (basse)
- Bill Kreutzmann (batterie, percussions)
- Mickey Hart (percussions)
- Donna Jean Godchaux (chant, choeurs)
- Keith Godchaux (claviers, choeurs)
- Steven Schuster (instruments à vent)


1. Help On The Way/slipknot!
2. Franklin's Tower
3. King Solomon's Marbles
4. The Music Never Stopped
5. Crazy Fingers
6. Sage & Spirit
7. Blues For Allah



             



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