Il y a globalement peu de choses à dire sur ce qui s'avère être l'ultime album studio de GRATEFUL DEAD en 1989. Le groupe était très bien reparti deux ans plus tôt et avec un succès inespéré ; un tel détail ne pouvait s'inscrire longuement dans le temps certes, mais laissait au moins espérer une suite plus rose. Les soucis de santé de Jerry Garcia commencent à s'installer et influent progressivement sur son chant ainsi que son jeu de guitare pendant les sept dernières années de sa vie. Le DEAD a aussi réalisé une tournée commune avec Bob DYLAN, live à l'appui, mais pas pour la gloire.

En ce qui concerne Built to Last, le point positif est que le groupe a souhaité reprendre une activité discographique régulière après une pause large durant la première moitié des années 80. Avoir un deuxième album en moins de deux ans constitue un minimum pour un nom ami. En est-il bon pour autant ? Le mot correct vient davantage à l'esprit, car tout ici n'est pas sans écueil.
John Cutler qui avait si bien réalisé la co-production d'In the Dark revient prêter main forte aux Californiens, mais du point de vue sonore, ce dernier disque déçoit en mettant l'accent sur l'écho et la réverbération, une couleur plutôt impersonnelle pour GRATEFUL DEAD si l'on précise qu'il s'agit d'un disque voulant avant tout surfer sur le succès de son prédécesseur, le tube en moins cette fois-ci. Enregistré sur une durée de huit mois, Built to Last offre même un goût un peu forcé.
Le membre à l'honneur ici est Brent Mydland dont les claviers aux sons kitsch sont parfois suremployés, et pour cause : le blues "Just a Little Light", l'enfantin "I Will Take You Home" en conclusion (et quelque peu en marge du groupe), mais aussi "Blow Away" et "We Can Run" sont toutes de son fait. John Perry Barlow, l'acolyte de Bob Weir, écrit toujours les paroles assurément, mais rarement pianiste n'avait eu autant de place sur un album du DEAD jusque-là. C'est ce qui alourdit l'album, même si les deux dernières citées ne sont pas mal, "Blow Away" surtout aux belles lignes et au solo final aventureux. On peut néanmoins parler de signe du destin puisque telle mise en valeur anticipe le décès prématuré de Mydland en 90.
Tout mettre sur le compte du claviériste en matière de baisse de régime serait mensonger. "Picasso Moon" est du Bob Weir tout craché, mais malgré le groove et l'entrain habituel, le bonhomme a fait mieux. "Victim or the Crime" est nettement préférable, dans ses atours cyber-blues, et surtout fortement imprégné de noirceur, jusqu'à son solo. Simplement l'un des meilleurs derniers morceaux du GRATEFUL DEAD !

Ce sont au final Jerry Garcia et Robert Hunter, les inséparables, qui fournissent le meilleur. Le guitariste est alors rarement aussi inspiré que sur "Foolish Heart", en termes de lignes. Même si le refrain paraît un brin téléphoné, il y a ici une couleur lumineuse à la Bruce HORNSBY (avec fiesta de percussions de surcroît, cela dit), chose qui n'est pas sans annoncer le futur de la bande. Outre la paire Bill Krutzmann-Mickey Hart toujours au top, y compris dans un schéma carré, on note avec bonheur la basse de Phil Lesh montante aux côtés des six-cordes de Weir et de Garcia.
L'esprit californien au couchant est à l'honneur sur les ballades, à commencer par "Standing on the Moon", avec de belles nappes de Mydland pour couronner le tout, ainsi que "Built to Last", sans aucun doute le morceau indispensable de cette fournée 89. Une fois de plus, la nostalgie fait des merveilles, tout comme le chant camarade, le solo qui fait quelques petits rappels à celui de "Touch of Grey", l'ensemble du groupe bénéficiant de cette lumière. En concert, le groupe augmentera légèrement le tempo de cette chanson.

De 1990 et la mort de Mydland à 95, année du décès de Garcia, les derniers instants du vrai DEAD sont erratiques, les publications partagées entre compilations et archives live, mais bon an mal an, le groupe a tenu à continuer son bonhomme de chemin et à faire le bonheur de ses fans en concert. Deux claviéristes font alors partie du groupe comme à une certaine époque, et l'un des deux s'appelle Bruce HORNSBY. Il demeurera, même après le décès de Garcia, lorsque Weir, Lesh et les autres délaisseront leurs projets solo occasionnellement pour se réunir sous les noms alternatifs de The DEAD ou The OTHER ONES. Une belle façon de continuer l'histoire d'une bande de copains, parmi les meilleures que la musique ait engendrées.

Note réelle : 2,5