Les sorties des coffrets des concerts du Grateful Dead sont totalement effarantes depuis quelques années et comme quasiment toutes les performances du groupe ont été enregistrées, cette situation devrait perdurer encore plusieurs années. Ainsi la tournée américo-canadienne du printemps 1990 a été documentée sur un superbe coffret de 18 CD avec les shows 16 mars à Landover, du 19 mars à Hartford, du 22 mars à Hamilton, du 26 mars à Albany, du 30 mars au Nassau Coliseum à Uniondale et du 2 avril à Atlanta.

A moins d’être un Deadheads et d’avoir beaucoup de dollars à investir, (auquel cas ce coffret reste indispensable) l’amateur éclairé pourra se contenter de la version deux cd, de 80 minutes chacun, qui compile les meilleurs moments des six concerts. Rappelons que Jerry Garcia, dans une interview, considérait que 80% de l’improvisation en concert ne méritait pas d’être publiée, ce qui relativise l’intérêt des éditions complètes.
Les années 1980 ont été difficiles pour le groupe, Jerry Garcia a de gros ennuis de drogue, le groupe peine à sortir un album studio décent, beaucoup de problèmes avec les spectateurs surgissent dans les concerts, pourtant la période 1988/1990 est plus féconde. Garcia devient quasiment un gourou psychédélique et donne son nom à une crème glacée ! ("Cherry Garcia") L’album live Without a Net enregistré à cette époque est une bonne surprise avec le sax de Branford Marsalis et une superbe version de « Let It grow » du 16 mars.

Le double album, à la pochette originale, mélange habilement les reprises dans différents styles. Sam Cooke "Let the Good Times Roll", Bobby Womack "It's All Over Now", Traffic "Gimme Some Lovin'", Tim Rose "Not Fade Away", Rolling Stones "The Last Time" et les classiques du groupe "Feel Like a Stranger", "Scarlet Begonias", "Estimated Prophet" ou "Playing in the Band" mais le tout à la sauce Grateful Dead avec des tempo moyens pour ne pas dire lents. La majorité des titres dure aux alentours de dix minutes, le temps pour le groupe de décoller. C’est une musique qui prend ses aises, le solos arrivent tranquillement, logiquement, cela se déguste comme un cocktail fruité un soir d’été, quand le soleil entame sa longue descente et déploie ses couleurs, peu à peu, du jaune au rouge, dans les lueurs qui s’éteignent, se transforment, se métamorphosent, éclatent en mille petits points incandescents pour laisser place à l’obscurité. La musique du Dead est intemporelle, elle s’incruste en douceur dans le subconscient, s’impose dans le calme et la douceur, coule tranquillement. Les envolées sont, ici, maîtrisées pas d’interminable solos comme dans « Drums » ou les longues séquences planantes de « Space », mais des morceaux avec un début, un milieu et une fin (oui certes c’est une évidence, mais pour le groupe cela mérite d’être souligné). Et sur le second CD, les trois titres "Scarlet Begonias", "Estimated Prophet","Playing in the Band" offrent une longue suite de trente minutes aux variations subtiles, avec des mélodies superbes et des chorus excellents, soulignés par le jeu subtil des deux batteurs Bill Kreutzmann et Mickey Hart.

So Glad You Made It est le complément idéal de Without a Net, il documente une période particulièrement créative en live, qui se termine avec la mort de Brent Mydland le 26 juillet et les problèmes de santé de Garcia, qui à son tour décèdera le 09 août 1995 après avoir donné 2314 concerts avec le Dead, dont le dernier le 9 juillet au Soldier Field de Chicago