Glenn Hughes aime la musique soul, Ritchie Blackmore la musique classique. Le guitariste de DEEP PURPLE veut reprendre le morceau "Black Sheep of the Family" des YARDBIRDS sur album, le reste du groupe s'y oppose. Autant de motifs, futiles ou plus profonds, mènent au départ de ce bon Ritchie (et de son caractère bien trempé), et ce dernier ne perd pas de temps à remettre un groupe sur pied, s'associant au chanteur du groupe ELF, Ronnie James Dio, et invitant également les autres musiciens du groupe à participer à des sessions d'enregistrement aux Musicland Studios de Munich en février / mars 1975.

Pour Blackmore, ce qui aurait pu être un retour en arrière constitue un accomplissement inespéré, même si l'album ne fait pas l'unanimité lors de sa sortie. Entouré d'une équipe d'inconnus, proposant une musique foncièrement moins agressive que celle composée pour DEEP PURPLE, le musicien a pourtant trouvé en la personne de Ronnie James Dio la perle rare qui allait porter sa musique vers de nouveaux horizons. Le rock'n'roll proposé par RAINBOW sur ce premier album est délicat, coule comme une douce rivière qui descendrait le long des contreforts de ce château mirifique. Et finalement, cette reprise de "Black Sheep of the Family" qui avait mis le feu aux poudres n'est ici qu'une escale presque futile dans un ensemble bien plus conséquent et important. Non seulement pour le duo nouvellement constitué, qui va ici vivre ses heures les plus créatrices, mais aussi pour le monde de la musique dans son ensemble, qui sera considérablement impacté par ce mariage entre hard rock et fantasy.

"Man On The Silver Mountain", publié en single (accompagné par "Snake Charmer" en Face B", est un rock tranquille, mais l'interprétation magistrale, à la fois théâtrale et subtile de ce bon Ronnie James, donne au morceau une âme, une puissance, une vision, qui en feront un des titres les plus importants dans le répertoire du groupe. Entre autres flamboyances, les longues mélopées de "Catch the Rainbow" développent une grâce, une poésie que l'on retrouvait parfois chez DEEP PURPLE ("Soldier of Fortune"), mais qui prend ici une dimension supplémentaire. Il en va de même avec la ballade "The Temple of the King", dont la qualité des mélodies vocales accentue la beauté. Inspiré par la scène folk britannique des années 60, Ritchie Blackmore propose une musique à la saveur unique, et il reste quelques traces de FAIRPORT CONVENTION sur le direct "Sixteenth Century Greensleeves". Apportant une touche rock'n'roll bienvenue, "If You Don't Like Rock'n'roll" et son piano honky-tonk, ou encore "Snake Charmer", dont le refrain préfigure une direction plus agressive pour la formation, complètent un ensemble que l'on ne cesse de redécouvrir. Si RAINBOW se fera plus affuté encore sur ses réalisations suivantes avec Ronnie James Dio, il règne ici une furieuse douceur, une audacieuse poésie, qui laisse à ce premier album une saveur unique.