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- Style : Francis Cabrel , Maxime Le Forestier , Brassen's Not Dead, Les Croquants

Georges BRASSENS - Fernande (1972)
Par RAMON PEREZ le 23 Décembre 2018          Consultée 1954 fois

Lorsque les Mangeurs de disques auront envahi la Terre et que dans leur magnanimité ils nous auront permis d’en sauvegarder un par artiste important, le comité chargé de sélectionner l’album de Georges BRASSENS étudiera de près la possibilité de garder Fernande, véritable best-of à lui seul. Il est plus rapide de faire la liste des choses discutables que de lister les raisons pour lesquelles cet avant-dernier album est l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur. Il y a l’aspect répétitif du « Roi », quoi que j’aime bien le côté choral. Un chœur de copain(e)s où figure un certain MOUSTAKI pour l’anecdote. Il y a aussi « Le blason », très belle chanson, mais dépassée quatre ans plus tard par la variation de Pierre PERRET qui, sur le même thème de la double acception d’un mot ordurier, a fait mieux avec « Celui d’Alice ». Et c’est tout. Le reste est parfait. Merci, au-revoir.

Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ? Que « Mourir pour des idées » c’est très discutable ? T’as raison mon pote. T’as bien révisé ton GOLDMAN, qui a un jour publiquement qualifié cette chanson « d’obscène », ce en quoi il a rejoint de nombreuses personnes, depuis la parution de ce morceau et même avant. Pour bien comprendre le débat, il faut remonter trois albums en arrière pour s’arrêter sur la chanson « Les deux oncles ». Dans un accès d’antimilitarisme primaire, l’auteur semblait renvoyer dos à dos anglais et allemands, résistants et collabos, sans considération pour la nature particulière du nazisme. Analyse simpliste, rendue possible par une maladresse indiscutable. Pourtant « collaboration » est liée à « épuration » dans le texte. Pourtant la fin de la chanson est limpide sur le message. On y entendait notamment « il est fou de perdre la vie pour des idées ». Cette phrase est le point de départ de la nouvelle réflexion de BRASSENS. Désormais convaincu par tous les contempteurs des « Deux oncles », le chanteur rend (faussement) les armes : « Mourir pour des idées d’accord, mais de mort lente ». Personnellement je trouve la démonstration extrêmement convaincante. Je n’y entends pas une critique de l’engagement mais une définition d’une frontière à cet engagement. Quand, plus d’une quarantaine d’années après, de braves couillons en sont encore à penser que se faire sauter le caisson en même temps que ceux des autres fera progresser leurs idées, je me dis que ce texte a encore de quoi nous faire réfléchir.

Dans un genre différent, on peut aussi discuter de « Stances à un cambrioleur », un modèle d’écriture qui traite avec une réelle bienveillance le vol. Ou « La princesse et le croque-note », dont le dernier vers est politiquement bien incorrect. Un musicien refuse les avances d’une jeune fille de 13 ans et y repense une vingtaine d’années plus tard, avec un sentiment de regret. Est abordée ici une thématique assez répandue à cette époque (on la retrouve notamment chez Léo FERRE et surtout Serge GAINSBOURG). Qu’est-ce qui définit une femme ? La loi ou elle-même ? Et que peut faire un homme par rapport à ça ? De la difficulté de la relation entre l’homme et la femme, il en est largement question dans cet opus. Cela démarre avec celles et surtout ceux qui ont bien du mal à l’entamer. Les célibataires éternels, désormais dotés d’un hymne national (que faire quand on pense à Fernande ?). Question prise à la rigolade dans « Sauf le respect que je vous dois » avec cette phrase fabuleuse : « parlez-moi d’amour et je vous fous mon poing sur la gueule ! ». Prise avec beaucoup plus de philosophie voire de tristesse dans l’extraordinaire « Les passantes ». J’ai entendu une fois RENAUD, grand admirateur de son aîné, dire que s’il fallait n’en n’écouter qu’une, ce devait être celle-ci. Quand bien même elle n’a pas été écrite par Georges BRASSENS. La légende dit que celui-ci avait mis la main sur le livre d’un illustre inconnu, dans la rue ou au fond d’une boutique. Le temps de retrouver cet homme, répondant au nom d’Antoine Pol, le chanteur était devenu immensément respecté et le poète, sur son lit de mort, fut évidemment très touché par l’idée qu’il allait être mis en musique par lui. Mais il ne fut plus là pour entendre le résultat et voir son texte devenir une référence incontournable du répertoire du Sètois. Ultime regret lié à cette chanson, dont c’est bien le sujet.

Nous parlions de la difficile relation entre l’homme et la femme. Evidemment il faut parler sexe et BRASSENS n’est pas du genre à tourner les yeux sur le sujet. Au contraire puisque ici les hommes sont remis à leur place dans une chanson férocement féministe. « 95% » (d’entre) eux sont des coqs prétentieux et imbéciles, incapables d’intéresser leurs femmes au lit, qui s’y emmerdent dans les grandes largeurs. C’est pour la blague de la main gauche, tout à fait sérieux de la main droite. Génial donc. Dans le prolongement sérieux, il y a « Le blason ». Dans celui de la rigolade, il y a la bonhomme dernière chanson, ultime réussite de cet opus. Ou l’histoire de l’homme qui cherche la compagnie des femmes pour entrer en contact avec leurs maris… J’ai déjà assisté à une discussion interminable ayant pour but de déterminer si c’était affreusement sexiste ou au contraire d’un féminisme avancé. Je te laisse te faire ton idée dessus. Il me semble en tous cas que l’écriture de BRASSENS peut souvent être interprétée dans un sens ou dans un autre si on ne s’attarde pas sur sa philosophie. C’est probablement pour cela qu’il a été aussi populaire, malgré sa sophistication et sa radicalité intrinsèque.

Par exemple j’ai lu un billet expliquant « La ballade des gens qui sont nés quelque part » comme une attaque contre le monde rural. L’attaque d’un bourgeois contre le petit peuple. Cela me semble d’une grande bêtise. Charge il y a, c’est clair. Contre le chauvinisme, sentiment imbécile pour le chanteur. Qu’il soit des campagnes ou des villes (dont la sienne, dans une touche d’autodérision bienvenue). Contre la somme des chauvinismes, appelée patriotisme, pour laquelle les gens sortent de leur trou pour mourir à la guerre. Ou pour des idées, on y revient. En ces temps de populisme idiot, il reste bluffant de voir à quel point la pensée de BRASSENS reste actuelle, à rebours de ce qu’on lui a tellement reproché à l’époque. BRASSENS amuseur public tout autant que philosophe de première, accessible à tous. Une combinaison qui n’a jamais été retrouvée (ou aussi bien agencée) depuis. Avec Fernande, le chanteur met la touche finale à sa statue. Du haut de ses quelques décennies, BRASSENS le grand vous contemple.

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   RAMON PEREZ

 
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- Georges Brassens (chant, guitare)
- Pierre Nicolas (contrebasse)
- Joël Favreau (guitare)


1. Fernande
2. Stances à Un Cambrioleur
3. La Ballade Des Gens Qui Sont Nés Quelque Part
4. La Princesse Et Le Croque-notes
5. Sauf Le Respect Que Je Vous Dois
6. Le Blason
7. Mourir Pour Des Idées
8. Quatre-vingt-quinze Pour Cent
9. Les Passantes
10. Le Roi
11. À L'ombre Des Maris



             



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