Après le succès des dernières productions en studio du PAT METHENY GROUP, son leader décide qu’il est temps de se régénérer. Si le quatuor de base (Metheny, Mays, Rodby Wertico) reste inchangé, les départs de Marçal et Aznar ouvrent la voie au retour de Ledford et Blamires, alors que Luis Conte s’occupe pour la première fois des percussions.
Désireux de s’imprégner de l’air du temps et d’élargir son regard, Pat Metheny décide de composer l’album à Miami. Mais la principale nouveauté repose sur l’utilisation massive d’instruments rythmiques électroniques ; c’est une grande première du groupe et de son compositeur principal qui se challenge sur sa capacité à faire swinguer et groover les boîtes à rythme, ce qui n’a rien d’évident dans le contexte du Jazz fusion.
Le son de l’album est fortement marqué par cette expérience et la dimension plus rythmique de certaines pièces comme "Red Sky" à la structure harmonique assez monocorde, "Stranger in Town" bâtie autour d’un simple thème guitaristique (dotée d'un superbe chorus de Pat sans accompagnement), ou évidemment le célèbre "To the End of the World", longue pièce de 12’ imprégnée d’une ambiance new-age/détente qui lui vaudra un certain succès chez les amateurs du genre. La science de la mélodie et le lyrisme de Pat y font bien entendu merveille.
"The Girls Next Door" évoque irrésistiblement le "Tutu" de Miles DAVIS dans un style Jazz-funk urbain agrémenté de traits virtuoses de Pat (quel solo !) et même d’une véritable trompette. Cette inspiration se retrouve également quoique moins marquée dans "Episode d’Azur" au rythme plus complexe alimenté par de superbes lignes de contrebasse, alors que le plus anecdotique "Something to Remind You" lorgne davantage EARTH WIND AND FIRE.
Le titre d’ouverture "Here to Stay" est d’inspiration très funk, agrémenté de belles harmonies, de jolies voix et, surtout, de très belles mélodies tissées par Lyle et Pat dont le jeu évoque beaucoup Wes Montgomery. C’est un temps fort de l’album, même si la boîte à rythmes peut rebuter.
Sur "And Then I Knew", le jeu de Pat fait cette fois irrésistiblement penser à celui de Georges Benson sur une base rythmique électronique minimaliste, nous offrant une expérience de Jazz-funk inédite chez le P.M.G.
"We Live Here" enfin nous plonge dans des rythmes africains, accompagnés de sons d’usine, alors que la guitare-synthé de Pat apporte de la profondeur à un ensemble où l’harmonie est clairement reléguée au second plan au profit de la couleur 'World music' de l’ensemble.

Cet album marque un virage pour le PAT METHENY GROUPE qui s’éloigne des rythmes et harmonies latins de sa seconde partie de carrière, pour conférer une nouvelle dimension nettement plus urbaine à sa musique, livrant un opus électrique et au son plus mat que de coutume. La qualité des compositions est bien présente et l’interprétation des musiciens parfaite, mais l’utilisation massive des rythmes électroniques peut être un vrai frein pour pleinement apprécier le travail et la générosité offerts à cet album de 67’. On tient donc davantage une œuvre de transition, un retour vers certaines racines du Jazz et des musiques qui en sont proches.
Cette orientation ouvrira la porte à une dernière décennie du groupe marquée par la réalisation de plusieurs chefs-d’œuvre et par une forte proposition d'avenir adossée à une forme très contemporaine de la musique Jazz.
Ma note est un peu mitigée, au-dessous des standards si élevés du groupe, mais plus qu’un faux pas, nous avons davantage affaire à un changement de direction.