On pourrait croire à une plaisanterie, déjà quand on voit que le deuxième album de Claude FRANÇOIS pour 1975 est constitué de reprises-adaptations en écrasante majorité avec seulement trois compositions originales sur douze chansons, mais de plus, en écoutant l'une de ces trois nouveautés, l'éponyme justement. Par son titre, "Une Chanson Française" évoque fortement "Chanson Populaire", sans que l'on sache trop pourquoi, du moins jusqu'au moment de constater le retour de Nicolas Skorsky, à l'origine du tube de 1973, pour les paroles, aux côtés de Cloclo et Jean-Pierre Boutayre qui se partagent aussi la musique.

Et l'écoute demeure édifiante : la progression couplet-refrain, c'est pratiquement du copier-coller de "Chanson Populaire" avec plus de cuivres, moins de profondeur globalement, moins de qualité tout simplement. Il y a un côté déclaration enflammée accordée à quelques lieux de France (soleil du Midi, vin de Normandie) mais c'est tout. On préfèrera l'autre nouveauté qui suit de près, "Fais Comme Si", autre signature Boutayre/Cloclo avec Eddy Marnay aux paroles, elle aussi arrangée par Jean-Claude Petit, témoin d'une belle efficacité et diversité musicale avec d'un côté la folk marimba-guitare chorus etc, de l'autre les emportements des cordes et du duo batterie-tambourin.

Contre toutes attentes, si ce 33 tours-là ne fait pas date, faute de vraie perle porteuse, il est plutôt bien rempli. Au rang des baisses de régime, sans mauvais jeu de mots, il y a encore "Doucement Sur la Route", empruntée à The Wiz, comédie musicale au Broadway de l'époque adaptée du Magicien d'Oz, un rien bouffonne pour un chanteur blond réputé chauffard invétéré, groove sympathique mais qui n'a ni queue ni tête dans son rendu global. "Des Pleurs Sur l'Oreiller", adaptée du tube de Johnny NASH, "Tears in My Pillow" (à ne pas confondre avec le standard doo-wop du même nom, repris dans la BO de Grease et ensuite par Kylie MINOGUE), offre une tentative reggae agréable, bien arrangée, sans plus à son tour.

En revanche, le disque possède une jolie couleur hybride avec d'un côté le bleu du costume de la pochette pour un rendu très milieu 70's en variété, de l'autre le jaune-or de la country insufflée par la plupart des reprises. Il y a de quoi se réjouir, même en légèreté, grâce à "Moi Je Suis Français" ("Thank God, I'm a Country Boy" de John DENVER), où Cloclo déballe les clichés US en se plaçant lui-même au milieu avec cocasserie, et "Un Nuage Sous le Soleil", autrement dit "Misty", le vrai standard par contre, autour duquel Clint Eastwood a articulé son brillant premier film Un Frisson Dans la Nuit en 71, ici dans sa version Ray STEVENS, loin du jazz donc. Une fille changeant d'humeur y est dépeinte par Eddy Marnay, de même pour le narrateur volage, tandis que le banjo résonne gaiement, les cordes planent par opposition au fiddle vigoureux de "Moi Je Suis Français".

Plus traditionnel encore, le folklore américain de "Quelqu'un Pleure Pour Quelqu'un" a quelque chose de resplendissant, son tempo démultiplié, ses Fléchettes jusqu'alors un peu trop discrètes... Ensuite, "Combien de Temps de Faut-il Donc ?", emprunté à Melba MONTGOMERY et son "Don't Let the Good Times Fool You", campe Claude FRANÇOIS en émule de Burt BACHARACH. Il y a encore cette remise en question de l'amour, mais aussi, d'un autre côté, la légèreté des cordes qui commence à lorgner vers la disco. On note sur ces titres jusqu'où va l'impression d'une équipe très 'SHEILA' pour ce disque : Jean-Claude Petit certes mais aussi, sur ces deux titres-là, Jean Schmitt aux adaptation des paroles et Mat Camison à la direction musicale.

Et pour ce qui est du costume bleu, il faut se tourner vers les chansons restantes, même si on peut d'emblée dégager la magnifique "17 Ans", autrement dit "At Seventeen" de Janis IAN, chanteuse emblématique de la contestation fin 60's et proche de la jeunesse. Cloclo joue la carte de la nostalgie et des souvenirs fleuris voire plus si affinités (les photos nues de magazines – bien avant de les proposer lui-même – et l'amour 'solitairement'), l'arrivée dans la vie active etc sur fond de guitares nylon type bossa, très classe, faux dernier couplet inclus.

Pour faire écho au disque précédent, il s'inspire à nouveau de son quotidien de chanteur à succès, aidant les gens à rêver pour "Je Chante des Chansons" ("I Write the Songs" du BEACH BOYS Bruce Johnston alors en solo, rendue tube grâce à Barry MANILOW), où il mentionne déjà l'année de ses débuts en 62, idée qu'il reprendra l'année suivante, on le sait. Nageant auprès de la chorale en vocalises et des jolies descentes de piano Fender Rhodes, on y entend des nappes de synthétiseur ARP, très en vogue, pour l'imitation orchestrale. Même constat pour le très beau slow introductif "Pourquoi Pleurer Sur un Succès d'été" ("Please Mr. Please" d'Olivia NEWTON-JOHN), avec aussi ses arpèges de guitare très bleus à leur tour et superbement réverbérés, sa flûte de pan et ses Fléchettes vers les aiguës... Gardant les mêmes qualités, la troisième et dernière compo du disque, "Elles Sont Jolies en Angleterre" (mais aussi en Californie, pour rêver davantage outremer) est une ultime réussite sous forme de ballade folk grandiose, pour un disque à écouter sans bouder son plaisir.

Note réelle : 3,5