AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

A la question magnifiquement infantile - Quel est ton disque favori ? -, je voudrais répondre, d’un seul jet pur et définitif, celui-ci.

Il faut bien comprendre les choses, le contexte, la folie propre à l’époque. Il y a 30 ans, Oliver Stone, déjà bien installé dans le paysage hollywoodien malgré son excellent mais très complotiste (la C.I.A. confirme) JFK, nous a livré, très jeunes adolescents ne voulant pas même connaître la définition du mot limite, ce film d’abord, puis cette bande-son. Et celle-ci, 30 ans plus tard, demeure assez objectivement la, sinon l’une des meilleures bande-son d’une débordante époque de créativité presque maladive – le chant du cygne d’une génération plus que désenchantée.

Concrètement, je suis venu vous rappeler qu’il a existé, qu’il existe toujours une compilation réunissant, sous les doigts de sorcier de Trent Reznor, Leonard COHEN, Patti SMITH, LARD, DR. DRE, Peter GABRIEL, JANE’S ADDICTION, L7, Bob DYLAN et même MOUSSORGSKY.
La fluidité de l’ensemble est exemplaire ; au point de dépasser le film en lui-même, qui n’a pas du tout mal vieilli d’ailleurs, malgré quelques effets lourdingues et pénibles.
On entre ici comme dans du beurre, et on en ressort, au bout de 75 min, requinqué pour 666 km encore. C’est que, mine de rien, toute la violence de l’histoire des Etats-Unis nous traverse la gueule. Au travers d’un road movie musical en compagnie de Mickey & Mallory, respectivement interprétés par les très bons Woody Harrelson et Juliette Lewis, nous goûtons pêle-mêle aux joies du bien-vivre-ensemble en prison, de la malbouffe, du cancer médiatique, de la liberté, de la drogue, de l’amour romantique, du génocide des Indiens, de la nouvelle coiffure de la présentatrice météo.

Que ce soit le génie de MOUSSORGSKY mêlé à une insurrection générale au sein d’une prison d’état, l’éthérée reprise de "Sweet Jane" du VELVET UNDERGROUND par les COWBOY JUNKIES, la théâtrale et tonitruante rencontre, sur un parking désert illuminé de vert pomme, de JANE’S ADDICTION et de Diamanda GALAS, le brutal et salvateur "Forkboy" de LARD, le mélancolique et apaisant "History (Repeats Itself) " du mystérieux projet A.O.S, la superbe envolée lyrique de Juliette Lewis herself sur "Born Bad", ou encore les très drôles interludes (musicaux ou non) comme celui qui conclut le mythique "Kipenda Roho" par Remy Ongala And Orchestre Super Matimila par la déclaration non moins mythique d’un jeune fan des nouveaux Bonnie & Clyde, I respect human life, but if I was a mass murder, I’d be Micky & Mallory, tout, je dis bien tout sur cette ultime compile transpire le vrai, le vraiment vécu de sous les aisselles et du plus reculé des recoins de l’âme.

Il faut bien évidemment noter que le maître aux commandes s’est intelligemment mis en valeur sans du tout piétiner sur l’espace des autres comme l’auraient fait beaucoup d’autres opportunistes à l’époque. "Burn", par exemple, repousse les bornes de l’indus metal. Une tuerie digne de The Downward Spiral, sorti la même année.
Dans un style beaucoup plus intime, Les champignons magiques, la brume, la dispute en plein désert alors que s’élève la magistrale "Something I Can Never Have" du premier album de NIN, Pretty Hate Machine.
Puis vient la terrible scène de l’Indien ; l’abominable, stupide meurtre de ce vieux sage par un Mickey totalement halluciné qui venait de voir son méchant père en lui. « Too much television ».

Enfin, le long périple se conclut par un bien épais et efficace "What Would U Do ? " signé par les rappeurs de THA DOGG POUND. Et nous n’en revenons pas, halluciné nous aussi, de sortir relativement indemne d’une pareille expérience – la B.O. officielle des années 90, tout simplement.