AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Film noir, asphyxiant dans sa première partie, boursoufflé dans sa seconde et dont le final boucle la boucle comme rarement boucle ne fut bouclée, Lost Highway, peut-être encore plus que l’éprouvant Inland Empire, est la plus expérimentale des œuvres de Lynch. Tout semble toujours incertain, confus, prêt à se désagréger dans l’indicible, le flou le plus complet et le plus dense.
Et c’est probablement la raison pour laquelle la B.O d’un film aussi fascinant, aussi dérangé, se devait de tenir la route si je puis dire, de maintenir le spectateur/auditeur en haleine et en émoi.

Assemblées par Trent Reznor (qui a déjà à son actif l’excellente B.O du Natural Born Killers d’ Oliver Stone) les pistes de Lost Highway nous emmènent au cœur brûlant des années 90 avec les valeurs montantes ou déjà établies d’alors : MARILYN MANSON ; THE SMASHING PUMPKINS ; RAMMSTEIN, Barry ADAMSON, sans oublier les valeurs sûres mais toujours désireuses de se renouveler comme David BOWIE, Lou REED et évidemment, l’indispensable Angelo BADALAMENTI.

Parmi les pépites, citons "The Perfect Drug" qui, bien qu’occupant une place très furtive dans le film, est un titre majeur de NIN, avec son fracassant solo de batterie juste avant la chute mélancolique.
"Apple Of Sodom", d’un MANSON très inspiré, est un petit monument de rock indus bien sinueux et entêtant. En tout cas, c’est ainsi que j’aurais toujours voulu les entendre.
Il y a naturellement tous les moments que l'on doit à BADALAMENTI, moments de sombre quiétude synthétique ou de jazz molletonné mais volontiers hurleur comme avec l’agité "Red Bats With Teeth", qui viendra harceler Fred, devenu Pete, jusque dans son garage.
Impossible de ne pas citer également RAMMSTEIN, très voire trop présent dans le film, avec son hymne éponyme, ma foi fort efficace, même lorsqu’on ne goûte pas particulièrement les productions de ces Allemands.

Mais un impardonnable crime a été commis : "Song To The Siren", ce chef-d’œuvre de Tim BUCKLEY magnifiquement repris par THIS MORTAIL COIL, ce pur moment d’intimité sonore qui envahit l’écran au moment de l’accouplement d’Alice et Pete sous les phares de l’indispensable automobile, en pleine nuit noire, en plein rêve éveillé, juste avant le retour au cauchemar, ce titre incandescent dis-je, ne figure pas au programme du disque.
Certes, le crime a très sûrement été commis au nom des droits d’auteur, m’enfin, l’absence s’en fait cruellement ressentir sur cette B.O pourtant si fidèle à l’esprit du film. Tellement fidèle qu’elle finit par là où elle avait commencé, c'est-à-dire par l’electro-jazzy et très feutrée "I’m Deranged" de BOWIE, avec ses lignes jaunes sur une route perdue, LA route.


Ce devait être en février ou mars 97, je ressortais, totalement hypnotisé, d’une séance de cinéma comme on en connaît peu dans la vie. Je venais de regarder, de Voir, Lost Highway, en compagnie d’un pote pour le moins légendaire puisqu’il me l’avait non seulement recommandé, mais imposé.
La pluie fine et les moineaux tournoyants. Les grands arbres, des peupliers, encore debout à l’époque. Et moi, avec mon sac à dos eastpak (toujours de ce monde) me posant en boucle cette métaphysique question :
¨ « Ai-je compris ? J’ai adoré pourtant ! Est-il vraiment nécessaire de comprendre pour Aimer ? »

David Lynch is Alive.