AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Il lui a fallu atteindre l’âge de la retraite pour que Barbie se paie enfin le luxe d’un film qui ne soit pas d’animation. Sorti en juillet 2023, Barbie The Movie raconte une histoire comique et féministe avec l’australienne Margot Robbie pour interpréter la célèbre poupée. Partageant l’affiche, Ryan GOSLING campe l’un des nombreux Ken et participe même à la bande originale du film, Barbie The Album, produite par l’anglais Mark RONSON.

Avec un tel casting, le film promettait déjà avant sa sortie d’être une réussite et c’était sans parler de sa réalisation par Greta Gerwig qu’elle co-écrit avec son partenaire, le réalisateur Noah Baumbach. C’était aussi avant même de savoir que la poupée ferait le buzz Barbenheimer en partageant sa date de sortie avec le film Oppenheimer… et c’était aussi en oubliant le pouvoir que détient encore aujourd’hui cette chère Barbie.

En effet, la jolie blonde n’est pas qu’une belle plante, loin de là ! Si vous l’aviez oublié, le film vous rappelle que Barbie peut être qui elle veut : astronaute, médecin, présidente, sirène, prix Nobel. Choisissez un métier, Barbie l’a pratiqué. Mais Barbie, c’est avant tout la reine du marketing, un génie qui se cache sous une plastique de rêve et qui parvient en moins d’un mois à rapporter plus d’un milliard de dollars au box office, et ça c’est sans compter les deals et collaborations qui ont surgi absolument partout dans le commerce pour assurer la promo du film. Choisissez un rêve, Barbie l’a réalisé.

Dans ce film, Barbie stéréotypée passe une vie paisible à Barbie Land en se réveillant tous les matins au son pop de "Pink" chanté par LIZZO, un titre aux tonalités un peu disco-soul mais qui ne révolutionne rien, un peu à l’image de nos poupées préférées qui pensent avoir changé le vrai monde (le nôtre, donc). Naïvement, elles croient que le vrai monde est fait de femmes au pouvoir alors elles peuvent s’éclater toute la journée à la plage et toute la soirée sur des chorégraphies synchronisées. Pour ça, quoi de mieux que les sections de cordes du décadent "Dance The Night" de Dua LIPA, la reine de la disco remise au goût du jour ?

On sent bien que RONSON s’est clairement inspiré de Barbie reine du marketing pour dégoter des titres par des interprètes en vogue comme la colombienne Karol G sur le reggaeton mêlé aux synthés de "WATATI" ou encore les rappeuses Nicki MINAJ et Ice SPICE sur "Barbie World" qui sample "Barbie Girl" du groupe danois AQUA et qui malheureusement n’apporte rien de frais. Comme Barbie s’est mise à penser à la mort, elle décide d’aller dans le vrai monde réparer la brèche qui fait merder sa vie de rêve, elle se barre avec Ken en mode Dorothy dans Le Magicien d’Oz sur la pop galactique de "Journey To The Real World" par Tame IMPALA et va au QG de Mattel entièrement dirigé par des hommes (Will Ferrell en tête) avant de s’échapper de leurs griffes par une course poursuite sur "Speed Drive", un super titre pop-électro où Charli XCX reprend la mélodie de "Mickey" par Toni BASIL.

Il y a encore bien sûr un bon nombre d’autres titres qui habillent bien l’histoire mais dont aucun ne risque de devenir classique : la ballade acoustique "Hey Blondie" de Dominic FIKE, "Home" des soeurs HAIM, "Forever & Again" de The Kid LAROI, "Butterflies" reprise pop-punk du tube de Crazy TOWN par GAYLE, la ballade "Silver Platter" de KHALID, "Angel" pop accentuée de violons par l’anglaise PINKPANTHERESS, le titre dance "Choose Your Fighter" d’Ava MAX qui prône l’acceptation de soi ou encore "Barbie Dreams" du groupe de K-pop FIFTY FIFTY.

Ben oui, Barbie reine du marketing a bien capté les bails du moment : pop latina, un peu d’alternatif, de la K-pop ; pas besoin de faire dans la profondeur tant que ça explose sur TikTok. Avec tout ça j’ai oublié de vous dire qu’entre temps Ken est retourné à Barbie Land en prêchant la sainte parole du patriarcat où GOSLING chante son désespoir à être enfin considéré sur la ballade-slash-80s pop-rock géniale "I’m Just Ken", un des meilleurs passages du film qui dépeint avec humour la fragilité masculine. Je vous rassure, notre Barbichette (surnom officiel, je vous le jure) arrive à rétablir son monde idéal et à y insuffler, ainsi qu’au vrai monde, des idées féministes et un équilibre retrouvé.

Le film est un bonbon (rose, of course), déjà un classique parmi les classiques chick-flick qui savent traiter leur sujet avec satire, au même titre que La revanche d’une blonde ou de Lolita malgré moi, mais la bande originale ne casse pas trois pattes à un canard malgré son succès commercial, et là où elle se plante, c’est en ayant annoncé la participation surprise de Sam SMITH sur "Man I Am" puis de Billie EILISH sur "What Was I Made For ?", un brin dépressif. En voulant créer le buzz autour de ces artistes et en annonçant un lien particulier à l’univers Barbie, c’est clairement un loupé, car quitte à vouloir nous surprendre, ils auraient mieux fait de pousser le délire au maximum avec un bop du millénaire en faisant participer Paris HILTON, elle aussi poupée blonde stéréotypée qu’on découvre bien plus futée qu’il n’y paraît. Bien sûr que non, je ne plaisante pas, et d’ailleurs si vous aimez cet album personne ne vous en voudra puisqu’à Barbie Land il n’existe aucun plaisir coupable.