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POST-PUNK  |  E.P

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- Style : Love Spirals Downwards
- Style + Membre : Robin Guthrie & Harold Budd

COCTEAU TWINS - Peppermint Pig (1983)
Par AIGLE BLANC le 11 Novembre 2024          Consultée 214 fois

Peppermint Pig, sorti en mars 1983, est le deuxième E.P de COCTEAU TWINS, précédant de 6 mois environ son deuxième L.P Head Over Heels dont il ne contient, comme son prédécesseur, aucun titre commun. Cette démarche artistique qui s'inscrit contre le système commercial alors en vigueur dans l'industrie discographique, en particulier des années 80, révèle du groupe écossais sa propension à concevoir les disques comme à l'époque du single-roi, c'est-à-dire celle ayant vu l'émergence fracassante du rock and roll contemporain du grand Elvis PRESLEY. Robin Guthrie, guitariste fondateur du groupe, ne semble pas nourrir un réel enthousiasme pour le format 'Long Play' pourtant cher à PINK FLOYD, ce qui explique peut-être que sa formation n'ait publié, entre 1982 et 1996, que 8 albums, rythme de production relativement inférieur à la norme en usage durant cette période. En contrepartie, si l'on additionne la totalité des E.P produits par le groupe, cela couvre l'équivalent de deux doubles albums.

Du reste, ce nouvel E.P confirme la position particulière de COCTEAU TWINS : d'une part, il inscrit sa musique dans le courant new-wave, post-punk ; de l'autre, les pochettes de ses disques refusent systématiquement de montrer des photos de ses membres, démarche radicale qui teinte de ringardisme celle de Robert Smith, le chanteur de THE CURE jouant quant à lui, comme d'autres de ses contemporains, à fond la carte de son image médiatique, en faisant de son apparence physique (maquillages outranciers) un ingrédient essentiel de son art musical, le 'look' devant refléter l'état d'esprit émotionnel de l'artiste gothique dont il demeure l'emblème.

Certains ont pensé dès lors que COCTEAU TWINS misait son potentiel commercial avant tout sur ses pochettes de disques qui n'en créditent même pas les membres, mais accordent la place centrale à ses visuels. Je dois reconnaître qu'étant fan du groupe, ce sont les pochettes abstraites, étranges et mystérieusement poétiques de son label 4AD qui m'ont poussé la première fois à acheter son album Head Over Heels (1983). J'étais en effet extrêmement sensible à l'esthétique qui s'en dégageait. Mais Robin Guthrie, bien plus tard, a avoué à la presse spécialisée que lesdites pochettes, qui représentaient la signature marquante de son groupe, n'étaient pas à son initiative et que celui-ci ne les affectionnait pas autant qu'on aurait pu le croire, la seule valeur qu'il leur accordait étant qu'elles servaient de masque pour dissimuler la réalité organique des musiciens officiant en son sein.

Si l'on y réfléchit bien, quel lien établir entre Peppermint Pig et le visuel de sa pochette? Pas grand-chose en réalité : la personne qui semble plongée dans une source d'eau chaude pourrait renvoyer à une tradition des pays nordiques, Islande en particulier, mais chacun sait que COCTEAU TWINS est écossais. La tranquillité et l'esprit new age auxquels cette photographie (un montage ?) nous convie s'inscrivent comme antithèses du contenu musical déployé dans cette galette de trois titres. En effet, la boîte à rythme ici, loin d'apaiser les esprits, impose son "épidermisme", notamment par ses accents dissonants : bien que non spécialiste, il me semble que chaque titre de l'E.P privilégie le tempo à contre-temps. Même si les crédits manquent à l'appel, je me risque à attribuer cette empreinte rythmique singulière à Robin Guthrie qui crée un climat de confusion, le rythme se voulant dissocié des climats recherchés par des titres qui s'apparentent par ailleurs à de la pop. La suite de sa carrière a confirmé que Robin Guthrie était un adepte fervent de la pop.

Après la production chargée et brouillonne de Lullaby, Peppermint Pig se veut un retour au minimalisme 'cold' du L.P Garland (1982). Ici, prédominent la basse originale et complexe de William Heggie (sa dernière contribution, non créditée, à un opus de COCTEAU TWINS), la guitare abrasive de Robin Guthrie et le chant relativement primaire, voire braillard, avant sa métamorphose lyrique, d'Elizabeth Fraser. En l'absence de la boîte à rythme, les trois titres sonnent comme des pièces de 'pop music' quelque peu étranges, en raison notamment d'un sens de la mélodie 'bizarre' (désolé, je ne trouve pas d'autre terme plus adéquat). Mais la rythmique épidermique leur confère des atours autrement plus étranges, qui viennent brouiller les repères de l'auditeur.

Bien que "Peppermint Pig", le titre principal, suive la structure couplets/refrain, l'impression immédiate est celle d'une composition échevelée, accentuée par les sonorités inhabituelles des claviers (de Robin Guthrie?) qui ne sonnent pas des plus justes. Et pourtant, la conviction des musiciens parvient à rendre cohérent ce titre paradoxal que plusieurs écoutes invitent à de mieux en mieux apprécier. Ne vous attendez pas cependant à y trouver, même en prémices, les émotions suscitées par les futures 'perles' du groupe ("Suggar Hiccup", "Pearly Drewdrops' drops"). Il s'agit du COCTEAU TWINS des débuts, qui cherche encore sa voie et affirme déjà sa singularité.

Les deux autres titres n'ont rien à envier au premier en termes de bizarrerie sonore, notamment l'utilisation étonnante, mais astucieuse, du son des castagnettes lors du pont de "Laughlines". Quant à la guitare de Guthrie, elle tapisse l'arrière-plan de riffs répétitifs dont la rythmique roborative accentue le caractère entêtant. "Hazel" prolonge les ambiances étranges en martelant le rythme de façon épileptique, sur lequel Will Heggie plaque sa basse elle aussi assommante tandis que Liz Fraser s'époumone sur des onomatopées dont elle seule garde le secret.

C'est le dernier E.P des COCTEAU qui ne soit pas auto-produit, Robin Guthrie ayant avoué son aversion contre la production d'Alan Rankine qui a abattu pourtant ici un bon boulot pour conférer au groupe un son aisément reconnaissable, une sorte de 'new-wave de chambre' induite par le minimalisme des instruments. Le résultat, en l'état, se trouve à mi-chemin de la production de Garland et de Head Over Heels. Cela reste original, même pour l'époque. Il est vrai cependant que dès que le groupe (Robin Guthrie en réalité) prendra en charge la production de ses albums, le son virera vers des ambiances de plus en plus éthérées jusqu'à l'apothéose que constitue en 1986 le sublime Victorialand.

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   AIGLE BLANC

 
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- Elisabeth Fraser (chant)
- Robin Guthrie (guitare, programmations, claviers)
- Will Heggie (basse)


1. Peppermint Pig
2. Laughlines
3. Hazel



             



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