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POST-PUNK  |  E.P

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- Style : Love Spirals Downwards
- Style + Membre : Robin Guthrie & Harold Budd

COCTEAU TWINS - Lullabies (1982)
Par AIGLE BLANC le 19 Décembre 2021          Consultée 946 fois

L'opus inaugural Garlands à peine sorti dans les bacs des disquaires, voilà que débarque, deux à trois mois plus tard, Lullabies, son demi-successeur dans la mesure où il ne s'agit pas cette fois d'un L.P mais d'un E.P trois titres. Etrange façon d'enchaîner après un démarrage ayant produit une forte sensation dans la presse musicale anglaise. En effet, la logique aurait voulu que COCTEAU TWINS sortît d'abord ce E.P en guise de carte de visite, avant d'envisager de produire un L.P dans l'anonymat le plus total.
Peut-être, dans l'enthousiasme provoqué par cette étonnante musique, Ivo Watts-Russel, patron du Label indépendant 4AD, à qui le guitariste des COCTEAU, Robin Guthrie, avait envoyé une cassette des premières démos de son groupe, était-il déjà assez sûr du potentiel du groupe pour le lancer sur la voie royale d'un album.
Toujours est-il que Lullabies inaugure à son tour une liste conséquente d'E.P que COCTEAU TWINS livrera de façon régulière jusqu'à sa dissolution en 1996. Comme ses successeurs, Lullabies ne s'appuie sur aucun single censé porter le futur album au pinacle, le groupe ignorant ainsi la tradition commerciale qui associe ordinairement la sortie d'un E.P et celle de son album à venir.
L'auditeur, et à plus forte raison le fan, peut se réjouir de découvrir dans Lullabies des titres inédits, mais se voit dans l'obligation passionnelle d'acheter tous les E.P de son groupe-fétiche dont la discographie s'enrichit selon deux axes 'apparemment' antinomiques : d'un côté, les albums officiels, conçus selon les normes et ambitions de tout album qui se respecte, de l'autre les E.P qui poursuivent la tradition révolue des anciens singles, c'est-à-dire ceux datant d'avant l'ère des L.P. Cette veine, à laquelle Robin Guthrie reste affectivement attaché, démontre si besoin est sa science du single.

Cependant, quand paraît Lullabies, le guitariste de COCTEAU TWINS n'en est pas encore à élaborer sa conception du hit parfait. Son groupe n'a d'autre ambition que celle d'être produit, édité et publié, par conséquent d'entrer dans l'industrie discographique. Mais pas à n'importe quel prix. C'est ainsi que la pochette de (i]Lullabies, comme celle de son prédécesseur Garland, et celle de tous ses opus postérieurs, brille par l'absence de photos illustrant les membres du groupe. Imaginons un instant quel destin aurait été celui de Robert Smith si l'exposition de son image, devenue icône gothique à elle seule, lui avait été refusée. Voilà la différence fondamentale entre COCTEAU TWINS et tous ces groupes ayant bâti une part importante de leur carrière et succès sur leur image médiatique. La formation atypique de Robin Guthrie ne doit son modeste mais intense succès qu'à sa musique et non à ses coupes de cheveux et autres maquillages charbonneux.
La magnifique pochette de Lullabies inaugure l'esthétique précieuse et onirique à laquelle le groupe écossais va être associé, même s'il tentera plus tard de contrer cette identité dans laquelle il ne se reconnaît pas. Cette pochette anticipe avec au moins dix ans d'avance le procédé du morphing, vous savez, l'effet spécial qu'à popularisé le clip "Black or White" de Michael JACKSON, et qui consiste en un fondu enchaîné de plans faisant se succéder les étapes d'une métamorphose à laquelle l'outil numérique rend toute sa fluidité. Bien entendu, le morphing photographique qui sous-tend la pochette de Lullabies implique de la tourner et retourner de façon à alterner le plus rapidement possible ses deux faces. Une merveille de précision et de poésie mêlées.
Contrairement au livret de Garlands, qui contenait entre autres un échantillon des phrases extraites des paroles des chansons, celui de Lullabies ne mentionne ni les paroles ni le nom des membres du groupe. On ne saurait faire plus lapidaire, démarche qu'emboiteront les pochettes des futurs L.P et E.P. qui ne doivent leur impact qu'à celui de leurs design et ligne artistique signés Vaughan Oliver.

Musicalement, Lullabies poursuit la démarche de Garlands, c'est-à-dire celle d'une musique à la très forte empreinte atmosphérique, à la différence près que ce E.P bénéficie d'une production beaucoup plus sophistiquée qui lui confère un son plus brouillé, où se fondent un peu plus les instruments. C'est ainsi que la basse toujours aussi sombre et obsédante de Will Heggie se trouve reléguée non pas au dernier rang, mais au même plan que l'artillerie des batteries programmées par Robin Guthrie, le guitariste profitant également de ses études en électricité pour manipuler les claviers à la recherche d'effets oniriques destinés à prendre plus de place dans les années à venir. Quand Garlands se voulait sobre et minimaliste, un peu à la manière de la Motorik chère au Krautrock de NEU!, Lullabies plonge dans un bain amniotique des plus bizarres, dont les atours bariolés troublent quelque peu la réception des trois chansons le composant, et qui seraient, sans les effets de la production, infiniment plus classiques.
Quant à Elizabeth Fraser, elle continue à inonder chaque composition de ses paroles incompréhensibles, qui ne sont pas encore constituées de mots inventés, mais de bout de phrases emboîtées selon une logique proche du cadavre exquis. La chanteuse explique qu'elle est davantage fascinée par les phonèmes que par les mots en eux-mêmes, ce que traduisent parfaitement ses 'lyrics' que d'aucuns pourraient jurer abscons là où d'autres peuvent en goûter le suc esthétique.
Son chant également n'est pas des plus classiques : elle trouve toujours l'occasion de parasiter la ligne mélodique par des effets vocaux surprenants, voire bizarres eux aussi, parmi lesquels chevrotements et trilles affriolants.
Les trois titres entretiennent de fortes ressemblances dues principalement à l'enrobage sonore, autant d'arrangements qui font briller la guitare psychédélique de Robin Guthrie et les batteries programmées qui privilégient, me semble-t-il, bien que je ne sois pas un expert dans ce domaine, les rythmes à contre-temps, comme cela s'entend dès l'ouverture "Feathers-Oar-Blades".

La presse anglaise n'a pas tardé à mettre en évidence l'influence de SIOUXSIE & THE BANSHEES, et des fans du groupe de Siouxsie Sioux ne se privent pas de fustiger le manque de personnalité de COCTEAU TWINS qui serait, selon eux, un pâle épigone de ce précurseur de la new wave. Robin Guthrie s'est toujours défendu d'avoir voulu copier SIOUXSIE & THE BANSHEES, qui n'était nullement son modèle musical. Selon lui, un tel reproche s'appuie uniquement sur le fait que les deux formations ont adopté un chant féminin et un son de guitare communs. Sans contester la primauté du groupe de Siouxsie, il me paraît injuste de ne pas reconnaître l'originalité intrinsèque des COCTEAU dont la démarche musicale a impacté le rock et la pop qui se sont développés au cours des deux décennies suivantes.

Lullabies impressionne les écoutilles par le déploiement vertigineux des claviers, des boîtes à rythme, des larsens de guitare et du chant parfois à la limite de l'asphyxie de Liz. Si la formule n'a pas encore trouvé son expression idéale, elle n'en demeure pas moins prometteuse, confirmant la naissance d'un groupe hors-du-commun.

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   AIGLE BLANC

 
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- Robin Guthrie (guitare électrique, programmations, claviers)
- Elizabeth Fraser (chant, paroles)
- Will Haggie (basse)


1. Feather-oar-blades
2. Alas Dies Laughing
3. It's All But An Ark Lark



             



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