Il était une fois, pendant le rude début de l’hiver 2010, quelque part dans le royaume blanc du Père Noël, une journée bien troublante pour notre cher grand-père tout de rouge vêtu. Ce jour-là, un de ses lutins - souhaitant prouver, avant son entretien de fin d’année, à quel point son sens de l’anticipation était aiguisé - lui avait offert le disque Merry Christmas II You de Mariah CAREY. "Je vous jure, Père Noël, vous allez bien aimer ! En plus il y a même une nouvelle version de ce bop que vous avez toujours refusé d’écouter" dit le petit lutin musicos.

Comme Mariah ressemble davantage à Mère Noël avec son superbe trio de boules bien rondes sur la pochette, Santa se laisse convaincre et s’enferme dans la chaleur de son bureau où la cheminée crépite et où les guirlandes lumineuses brillent de mille feux pour une petite pause musicale. Mais que se passe-t-il quand l’icône intemporelle du froid polaire se retrouve enfermé avec une Mariah CAREY qui tourne en boucle ? Il n’a pas fallu plus de deux minutes pour que notre respectable vieillard ne se retrouve face à une question hautement excitante : est-ce que Mariah CAREY essaie de me séduire ?

Le Père Noël débute l’expérience avec un espoir aussi grand que son envie de couvrir les enfants de cadeaux. Il reconnaît les mesures de "Santa Claus Is Coming To Town" en introduction de l’album et ne peut s’empêcher de penser comme un vieux con, de se dire qu’encore une fois, on a fait du copier-coller avec la magie de Noël et que de toute façon c’était mieux avant ! Pourtant, le froncement de sourcils s’efface comme par magie à l’écoute du morceau original "Oh Santa!". Une pop orchestrale au ton joyeux et joueur lui fait taper du pied pendant que le pompon de son gros bonnet se balance au rythme de la mélodie. "Ah, c’est entraînant" dit-il dans sa barbe, pourtant il y décèle aussi une insistance étrange quand Mariah l’implore de lui ramener son homme.

Un peu jaloux et ébranlé, Santa balaie le malentendu en envoyant un chaleureux baiser à la photo de Mère Noël posée sur son bureau et en passant à la chanson suivante, un medley de "O Little Town Of Bethlehem/Little Drummer Boy". Il peut enfin se détendre : "Ce sont mes chansons préférées et au moins avec les classiques, pas de sous-entendu !", mais entre les roulements de tambour et les grosses cloches, les vocalises de la jeune Mariah prennent leur envol et Santa se recroqueville sur lui-même légèrement, séduit : "Aucun doute possible ! Elle fait ça pour moi ! Elle veut m’impressionner c’est évident !".

La figure légendaire de Noël tombe peu à peu dans les filets d’une autre grande figure, de quelques dizaines d’années sa cadette, mais qu’importe ! Mimi a tout pour elle : une chevelure du feu de dieu, une belle paire de cordes vocales et une robe plus sexy que celle de Mère Noël. Il faut dire que Santa apprécie vraiment l’interprétation de la belle plante sur ces jolies chansons d’antan qui ont bercé sa propre enfance : "The First Noel/Born Is The King", "O Come All Ye Faithful/Hallelujah Chorus" qu’elle chante avec sa mère Patricia ou encore la version live de "O Holy Night". Des montées en puissance dignes d’une véritable déclaration d’amour et face à des performances aussi magistrales et respectueuses de ses aînés, le Père Noël ne peut que jeter son bonnet en l’air, essuyer les gouttes de transpiration sur son front en marmonnant "Je ne suis qu’un homme, Mariah, je ne peux pas gérer autant de sex-appeal !".

La réinterprétation de "Here Comes Santa Claus (Right Down Santa Claus Lane)/Housetop Celebration" et de "Charlie Brown Christmas" dans une ambiance festive R&B-soul n’est d’aucune aide pour le jovial grand-père qui aurait bien envie de se déhancher langoureusement dans toutes les pièces de sa maison-atelier mais il reste le cul posé sur son fauteuil au coin du feu en repensant à ses jeunes années durant lesquelles il aurait sans hésitation enveloppé dans son manteau rouge la jolie Mariah.

Fatigué par tant d’émotions, Santa s’endort paisiblement lorsque débute la ballade romantique "Christmas Time Is In The Air", un titre original que Mariah a écrit spécialement pour lui, du moins c’est ce qu’il se dit alors qu’il s’envole vers le pays des rêves. La voix de sa dulcinée est douce comme une caresse. Le pompon du bonnet tremble à nouveau alors qu’il chuchote dans son sommeil "Tu mérites quelqu’un de plus dynamique que moi, je suis vieux maintenant Mariah…".

Pourtant, quand elle entonne un autre morceau original, "When Christmas Comes", dont les cuivres le réveillent sur un rythme funky, Santa n’entend que l’appel de sa belle sur les refrains (And baby you’re the one that I treasure/I can’t wait to unwrap your love/When Christmas comes). Le message est ambigu et le Père Noël ne sait pas trop quoi en penser. Quand débute l’air plus solennel de "One Child", encore une chanson écrite par Mariah, le Père Noël se dit qu’il peut enfin respirer un peu. Rapidement pourtant, il devient aussi rouge que son manteau, se demandant si finalement, Mariah ne lui aurait pas glissé un petit message du style "Veux-tu qu’on travaille ensemble, Santa Daddy ?". Le Père Noël est peut-être vieux mais il sait reconnaître une invitation quand il en entend une.

Finalement, Santa se penche enfin sur le fameux bop dont tous les lutins parlent depuis des années, une version extra festive de "All I Want For Christmas Is You" dont il ne peut pas nier la puissance. À chaque refrain, son coeur d’homme marié vacille et se prend dans les filets de cette diva très rusée. Il l’entend, le message de Mariah qui le choisi, et il n’en croit pas ses oreilles : "Moi ? Mais enfin Mariah… Il y a tant d’autres options, pense à Michael BUBLE !". Santa voudrait bien se laisser tenter, mais il additionne des années d’expériences à se tenir à distance des groupies et ne compte pas faire souffrir sa biographie d’une entorse à la bienséance. Du coup, homme pieu qu’il est, le Père Noël appuie sur le bouton d’arrêt de sa chaîne hi-fi alors que débute le beat dance-chrétien de "Auld Lang Syne (The New Year’s Anthem)".

C’est décidé, cette année le Père Noël restera un vieux con.