Et voilà, il faut encore que je raffole d'un disque controversé... Ah, c'est vraiment curieux quand même tous ces avis réticents au sujet d'une œuvre pareille. S'il a vraiment été réalisé en vingt jours, alors ça ne prouve qu'une chose à mes yeux : il ne faut pas forcément une éternité pour pondre une merveille. Bien sûr, il m'a fallu un moment pour m'y retrouver, mais j'ai immédiatement été séduit par l'ambiance sonore, moins hard rock que dans les précédents, à la fois sombre et organique et avec cette utilisation géniale du saxophone.

Un saxophone ? Comme chez Van der Graaf Generator, oui. Si Thick as a brick ressemblait au chaînon manquant entre Genesis et Deep Purple, c'est bien au groupe de Peter Hammill qu'on pense immanquablement en écoutant celui-ci. La plupart des groupes progressifs (dont Genesis, Yes, Camel, etc.) ont tous été fortement marqués par la musique de VdGG, mais c'est bel et bien Jethro Tull qui s'est approché le plus de leur style. Le fait d'avoir réalisé des albums constitués d'une seule et unique chanson m'a toujours paru être une surenchère sur Pawn Hearts, A passion play étant la continuation directe de «A plague of lighthouse keepers». Toutes proportions gardées bien sûr, ceci est plus doux et garde les habituels éléments folk de Jethro Tull.

J'avoue ne jamais avoir cherché à comprendre de quoi tout ceci parlait. Comme souvent avec ce sacré Ian Anderson, on est plongé dans une drôle d'histoire assez surréaliste, multipliant les métaphores dans un contexte bien plus moderne qu'il n'y paraît à première vue. La musique, elle, est purement progressive. Je dirais même que c'est poussé à l'extrême, les thèmes s'enchaînant sans répit avec une densité rythmique affolante. Franchement, tout ceci ne peut pas être bâclé, c'est redoutablement conçu, bien que décousu en apparence. Bref, à mon sens, il s'agit d'un des plus grands albums du rock progressif, et l’œuvre à la fois la plus poussée et la plus étrange de la carrière de Jethro Tull.