Il m'est difficile d'entamer la critique de Too Old To Rock'n'roll : Too Young To Die! d'une manière à la fois positive et assurée, tout simplement parce qu'il s'agit d'un album de JETHRO TULL susceptible de laisser l'auditeur indifférent ; de plus, c'est un concept-album, pas le plus marquant ni le plus 'homogène' qui se puisse écouter. Par la vie de Ray Lomas (racontée dans la bande dessinée du livret), rockeur vieillissant mais "trop jeune pour mourir", Ian Anderson répond de manière virulente à l'incompréhension et aux critiques auxquelles son groupe a eu droit depuis A Passion Play, ces détracteurs le considérant en gros comme un des 'dinosaures' du rock des années 70.

"Quizz Kid" démarre de manière acoustique, mais c'est bien un titre lancé sur les chapeaux de roue que nous offre le groupe. La rythmique est fortement marquée, l'orgue virevolte, mais l'on trouve aussi des arrangements de cuivres par David Palmer, chose qui ne s'était pas produite depuis This Was. Le tout est sympa, moins abrupt que les titres de Minstrel in the Gallery en ce qui concerne les enchaînements. Mais, malgré un excellent break, on se dit qu'il manque quelque chose, bien que ce soit l'une des meilleures pistes de l'album.
Même constat avec "Crazed Institution" où l'on retrouve aussi un arrangement assez marqué, y compris du côté des cuivres. Le refrain se retient facilement, et c'est justement le moment principal à retenir. "Salamander", à la guitare acoustique et lancé sur le même rythme, possède un enchaînement d'accords similaire à celui de "Cold Wind to Valhalla" du précédent album. Une fois que le chant arrive cependant, Ian Anderson tourne les choses autrement. C'est toujours agréable, la partie avec flûte plutôt réussie.
"Taxi Grab" est un peu plus blues-rock, au riff efficace, Ian Anderson y exagérant ses manières vocales et utilisant, ô surprise, un harmonica ! Ca non plus, ce n'était pas arrivé depuis This Was. Les cuivres font des interventions aussi sèches que timides à certains moments, tandis que les guitares de Martin Barre en harmonie font un sacré effet !
La ballade-slow "From a Dead Beat to an Old Greaser" calme grandement le tout. Là, c'est le chant qui est en harmonies. Cette chanson folk se révèle plutôt jolie, même si sa progression mélodique n'est pas évidente. Le solo de saxophone qui arrive un peu abruptement ne se révèle pas un arrangement des plus judicieux, contrairement aux cordes plutôt envoûtantes.

La deuxième partie commence avec le bluesy "Bad-Eyed And Loveless", où Ian officie seul à la guitare acoustique, un peu comme la moitié de "Minstrel in the Gallery", en peut-être moins efficace. La chanson dure à peine plus longtemps qu'un couple de minutes, mais on y décèle une certaine continuité avec le début de "Big Dipper", introduit par la flûte. Le duo Glascock-Barlow est toujours efficace, de même que les petites interventions de John Evan aux claviers (globalement plutôt sobres). Cependant, une fois encore, le titre ne dépasse pas le stade du sympathique, bien qu'il soit plutôt enjoué comme les premiers du disque.
Arrive finalement LE morceau, celui qui donne son nom à la galette, étalé sur près de six minutes. La mélodie est jolie, mais les arrangements un peu 'lourds', surtout les cuivres. Certaines mélodies ressemblent trait pour trait au début de l'album, l'intro acoustique de "Quizz Kid". Là encore, le refrain se révèle plutôt mémorable, mais on regrette que la magnifique chanteuse qu'est Maddy Prior (STEELEYE SPAN) ne soit pas plus mise en avant. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que cela se produit dans l'album, et Maddy n'en est pas la seule victime. Vers la fin, intervient un passage plus rythmé, voire déjanté.
"Pied Piper" rejoint les "Quizz Kid", "Crazed Institution" et "Big Dipper" sur un aspect qu'il me sera impossible de répéter sous peine de radotage. Ian force toujours sur son nez lors des refrains, ça peut devenir lassant à la longue (j'avoue que j'ai mis du temps à m'y faire). L'intro de "The Chequered Flag (Dead or Alive)" est tout simplement magnifique : Ian Anderson à la guitare électrique avec cordes. Le reste de la chanson est dans la lignée du morceau-titre, l'émotion s'y trouvant néanmoins renforcée par des montées en puissance, une mélodie mieux ciselée et des arrangements plus adaptés, même si le ton est en apparence quasi déchirant (le pont est sublime). Une manière agréable de terminer l'album.

Nous voilà donc en présence d'un concept-album légèrement pied-de-nez à tous les opéras rock ou doubles albums et autres oeuvres du même genre, y compris celles du groupe lui-même (Thick as a Brick et A Passion Play), de par sa simplicité et sa plus grande accessibilité, malgré quelque pirouettes musicales sympathiques. Mais sympathique est vraiment le seul réel qualificatif qui résume entièrement l'album, dans le cas où celui-ci arrive à plaire. Il n'étonne pas autant que Thick as a Brick, ne séduit pas aussi fortement que Stand Up ou Aqualung. C'est un album un peu entre deux feux qui mérite tout juste son petit 3/5, qui n'a pas fait date dans l'histoire, quoiqu'on puisse l'écouter par curiosité quand on connaît bien la discographie du groupe.