Ce troisième disque du Mort Plein-de-Gratitude est encore très différent de ses prédécesseurs, non pas dans la forme mais dans le fond. Après l'arrivée de Robert Hunter pour les paroles de "Alligator" sur Anthem of the Sun, ici le voilà désormais préposé à écrire tout ce qui peut se chanter. Et Jerry Garcia, jusque-là formidable guitariste mais chanteur-compositeur noyé dans le collectif au milieu de ses amis (Weir, Pigpen), éclot avec splendeur ici en menant la réalisation. C'est sans doute Aoxomoxoa qui le met à la tête du GRATEFUL DEAD et pour l'éternité.

Tous les titres sont co-signés Hunter/Garcia, à l'exception de "St. Stephens" auquel participe également Phil Lesh. Un morceau splendide qui permet à Tom Constanten de s'illustrer au piano. Toutefois, Aoxomoxoa, avec son palindrome plaisant, sa pochette phallo-bariolée et ses multiples mystères, comme d'être porté au pinacle par le public de l'ère psychédélique, est pratiquement plus un disque folk qu'autre chose (anticipant l'année 1970 très faste pour le DEAD en la matière), un effort solo humble plutôt que de groupe, à plus forte raison avec deux batteurs et deux claviéristes.

Exit ou presque les expérimentations de 1968 et, même si "What's Become of the Baby?" fait planer l'auditeur par la seule voix déformée de Jerry Garcia, les natifs de Palo Alto n'iront au final jamais lorgner vers l'Inde et compagnie (à l'évidence, ils préfèrent l'Egypte). Des chansons comme "Cosmic Charlie", "Doin' That Rag", "China Cat Sunflower" ou "Dupree's Diamond Blues" sont si entêtantes qu'elles ont leur petit effet psyché, mais on reste dans un format simple et charmant, accessible.

L'esprit hippie se ressent encore sur deux petites merveilles de délicatesse, à savoir "Rosemary" et "Mountains of the Moon" parcouru d'un clavecin. Malgré les acides et le ton cosmique, GRATEFUL DEAD est déjà pratiquement paré pour un retour à la terre des plus complets.

Note réelle : 3,5