The GRATEFUL DEAD, bien que détaché et en parlant souvent en des termes en retenue, n'a pas à rougir d'un tel premier album, éloigné certes de ce qu'il est vraiment, mais solide. Il peut en ressortir un groupe brouillon, encore trop dévoué à ses idoles et se cherchant une identité face à la multitude de bluesmen et rockeurs existants en ce milieu d'années 60. Musiciens, ils le sont et tous très bons, mais la cohésion et l'alchimie manquent d'être tout à fait au rendez-vous. La voix dominante semble être l'organiste Ron 'Pigpen' McKernan, même s'il ne chante que sur un titre, tandis que Jerry Garcia et dans une moindre mesure Bob Weir cherchent à imiter son timbre nerveux. Comme le diront Phil Lesh et Bill Kreutzmann, ils apprenaient à être un groupe.

Le style voulu est direct, sans trop de fioritures : une sorte de mélange blues blanc et pop-rock convivial sur les rivages californiens, choeurs à l'appui. Je préfère le dire tout de suite, le style 'roots' de Pigpen est tout sauf mon favori. Ici, avec "Good Morning (Little School Girl)" comme un peu plus tard sur le Live/Dead, les longues récréations blues-whisky fiévreuses ont même tendance à m'ennuyer, même si cela reste bon en soi, simplement commun. Si GRATEFUL DEAD n'avait été que cela, ils n'auraient peut-être pas si bien vécu.

Sur le versant basique, la plupart des morceaux s'écoute bien mais on peut citer "Cream Puff War", seule composition originale en plus, parmi les réussites indéniables ainsi que la reprise de "Morning Dew" (le groupe irlandais CLANNAD s'en réservera une fort jolie sept ans plus tard). La rythmique Lesh/Kreutzmann est gargantuesque, les guitares de Weir et Garcia se complètent parfaitement, ce dernier faisant pleuvoir les influences jazz et bluegrass dans ses soli, en particulier sur "Viola Lee Blues". Ils avaient déjà aussi cette tendance à partir très loin et revenir comme si de rien n'était, brusquement, ici 1min30 avant la fin, un de leurs délices à eux. Ailleurs, ce sont des piques de folie par-ci par-là, mais ouais, GRATEFUL DEAD était fait pour ne pas avoir de brides, ne pas ressembler aux autres. Et ils iront loin, beaucoup plus loin.