AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Shining|fi] est le nom d’une musique plus que d’un film. Une musique mise en film pour dire lumineusement les choses.

Il est bien connu que Sergio Leone demandait à écouter le travail d'Ennio MORRICONE avant de commencer à tourner, mais ici, nous avons à faire à un film conçu en vue de correspondre à la musique que Kubrick avait en tête. Et cette musique-là, précisément, exprime le Shining comme Stephen King, seulement écrivain, ne pouvait le comprendre*.

Ce qui nous amène drôlement à un lieu commun aussi persistant que la lèpre : le livre est toujours mieux que le film qui s’en inspire. Il est vrai que cela est presque tout le temps vrai, sauf ici et, à bien y regarder, sauf dans toute la filmographie de Stanley Kubrick. Mais ici surtout.
Et ici, c’est définitivement la musique, donc le bon sens magique, qui rythme. Le sublime, le très pourpre "Als Jakob Erwachte" de PENDERECKI semble avoir été composé spécifiquement pour le film**. Mais c’est le film qui en avait besoin. Tout comme il (le film) était assoiffé de l’impressionnant "Music For Strings, Percussion And Celesta" de BARTOK (désolé pour l’orthographe non hongroise) ou du spectral "Lontano" de LIGETI.

Finalement, que vous revoyez le film ou réécoutiez sa bande originale revient spirituellement au même, c’est-à-dire au Shining. Danny a le Shining, la lumineuse enveloppe protectrice – Tony, qui se cache dans son ventre, confirme. Son père ne l’a pas et c’est pourquoi il ne sombre pas à proprement parler dans la folie mais devient plutôt ce qu’il a toujours été sans avoir eu l’occasion de l’expérimenter, c’est-à-dire un pur prédateur. Un démon, en d’autre terme.

Lorsque tu VOIS, il n’y a plus aucune image familière dans le monde. Tout est nouveau. Rien n’a jamais été auparavant. Le monde est incroyable.
Carlos Castaneda


*Stephen King adore absolument tout ce qui tient fidèlement au scénario de ses nombreuses créations, pour le meilleur et souvent pour le pire, mais il déteste le Shining de Kubrick à un point de dénigrement qui nécessiterait plus l’intervention d’un Exorciste que celle d’un psychiatre.

**Il l’a été pour le Jubilé d’argent du Prince Rainier III de Monaco, en 1974.