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CHANSON FRANçAISE  |  STUDIO

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- Style : Glenmor, Hubert Felix Thiefaine , Bernard Lavilliers

Léo FERRE - Les Chansons D'aragon Chantées Par Léo Ferre (1961)
Par LE BARON le 2 Mai 2017          Consultée 3362 fois

C’est en lisant « Le Roman inachevé », publié en 1956, que Léo FERRE se met à travailler sur un ensemble de chansons tirées des poèmes d’Aragon. A l’époque, Aragon fait figure d’intellectuel engagé, et controversé. Adhérent au Parti Communiste depuis les années 20, il a effectivement fait parti des aveugles, capable d’encenser Staline et la Guépéou* dans ses écrits. Et s’il a rompu avec le Stalinisme lorsqu’il en a découvert les crimes, il est resté fidèle au Parti toute sa vie, contrairement à de nombreux intellectuels. Difficile d’évoquer Louis-Ferdinand Céline sans parler d’antisémitisme, difficile d’évoquer Aragon sans parler de Staline ! Cela ne doit cependant pas nous le faire mettre à l’index. Aragon est un grand versificateur, et son engagement dépasse largement la ligne du Parti.

FERRE, lui, se réclame de l’Anarchie. S’il n’est pas militant, il n’hésite pas à soutenir la Fédération à l’occasion. On sait que les Communistes et les Anarchistes ne s’entendent guère, mais les deux hommes sont ouverts, et ils partagent un goût pour les mots qui dépasse largement les clivages idéologiques. Leur rencontre n’est donc pas si étonnante. Leurs écritures respectives sont puissantes, ils aiment l’ivresse des grandes formules, et les combats qui les sous-tendent.

FERRE travaille sans doute sur la mise en musique de ces texte dès la fin des années 50. Le chant du Monde, son premier éditeur, justement proche du Parti Communiste, a même été approché pour un album. Cela ne se fera pas. FERRE passe alors chez Barclay, qui accepte le projet à condition que Léo lui propose un premier disque plus « ordinaire » : «Paname ». Mais Barclay tient parole, et FERRE peut enregistre ce disque de poèmes, qui lui tient à cœur, tout de suite après.

FERRE a choisi lui-même les textes. Aragon semble plutôt flatté d’être mis en musique, et laisse même Léo changer les titres, ou enlever quelques vers. Il a le nez creux, Aragon. FERRE va composer un très bon album à partir de ses textes, et assurer ainsi une audience beaucoup plus large au poète.

Il faut dire que cela sur démarre les chapeaux de roues. « L’Affiche Rouge** » , c’est l ‘évocation lyrique du Groupe Manouchian, des résistants pris et tués par les Nazis en 1944. Les services de propagande de l'époque utilisèrent l’évenement pour dénoncer ce qu’il appelaient « l’Armée du Crime », à partir d’une affiche (rouge, donc) restée célèbre. Ne s’appuyant que sur des chœurs, Léo déclame ce texte d’hommage avec force, réussissant à faire sentir la grandeur du sacrifice, la peine, le pardon. C’est évidemment casse-gueule, et pourrait tourner au ridicule complet, tant dans les mots que dans la musique, mais c’est au-delà. Aragon et FERRE délivrent un texte profondément humain, et très beau.

La guerre est également évoquée avec « Tu n’en reviendras pas », hommage à ceux qui partent au front. Cela peut paraître étonnant, chez un libertaire, ce soudain goût pour la mitraille. Mais là encore le texte est fort : « Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit / Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places / Déjà le souvenir de vos amours s’efface / Déjà vous n’êtes que plus que pour avoir péri ». Ce « Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri » est terrible, et si vrai. Vanité de la guerre, des hommes, bref ! De grands sentiments et de grandes idées, sans doute naïves mais généreuses, à qui l’interprétation lyrique de FERRE convient parfaitement.

Il faut également mentionner « Est-Ce Ainsi que les Hommes Vivent », qui derrière son rythme chaloupé, évoque une Allemagne fantasmée, proche de Kurt WEILL et des cabarets berlinois. Et cette « Lola », n’est-elle pas la sœur aînée de la « Lorelei » de THIEFAINE ? Mais si, à l’évidence, cha-cha-cha compris. Chanson magnifique, qu’on voudrait citer en entier ! Contentons-nous de la troisième strophe : « C'était un temps déraisonnable / On avait mis les morts à table / On faisait des châteaux de sable / On prenait les loups pour des chiens / Tout changeait de pôle et d'épaule / La pièce était-elle ou non drôle / Moi si j'y tenais mal mon rôle / C'était de n'y comprendre rien ». Magnifique, vous dis-je ! LAVILLIERS reprendra texte et musique sur O Gringo, comme un retour au bercail après son tour du monde.

L’album passe aussi par des chansons légères, « Les Fourreurs », « L’étrangère », ou d'autres, plus anecdotiques, mais qui ont en commun l’immense qualité des textes. Aragon s’avère aussi lumineux lorsqu’il évoque de grands sentiments que des virées adolescentes, ou le temps qui passe. Et puis il y a l’Amour, bien sûr, inspiré par Elsa Triolet. Là encore, même si l’on est tenté par l’ironie, on se laisse peu à peu prendre aux grands sentiments.

Premier disque d’une série de réussites, le petit défaut de cet album reste, comme souvent chez FERRE, de proposer quelques chansons légères parmi d’autres franchement marquantes. Peu importe, ces chansons d’Aragon valent largement le détour.

*GPU, puis NKVD, puis KGB, autrement dit les « organes », la police politique du régime soviétique.
**Le titre original est « Strophes pour se souvenir ».

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- les Chansons D'aragon Chantées Par Léo Ferré
1. L'affiche Rouge
2. Tu N'en Reviendras Pas
3. Est-ce Ainsi Que Les Hommes Vivent ?
4. Il N'aurait Fallu
5. Les Fourreurs
6. Blues
7. Elsa
8. L'etrangère
9. Je Chante Pour Passer Le Temps
10. Je T'aime Tant



             



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