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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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- Style : Glenmor, Hubert Felix Thiefaine , Bernard Lavilliers

Léo FERRE - Ferre 64 (1964)
Par LE BARON le 22 Août 2017          Consultée 2138 fois

FERRE 64 est déjà le dixième album enregistré en studio par Léo FERRE. Celui-ci aligne les disques année après année avec une régularité quasi métronomique et un succès toujours plus solide. Désormais châtelain à Pechrigal (qu’il rebaptise Perdigal), dans le Lot, il vit avec sa femme Madeleine, sa guenon Pépée, et bientôt toute une ménagerie : chiens, chats, vaches, cochons, etc. On lui reprochera de posséder une telle propriété (pourtant à moitié en ruines), lui l’Anar, comme si elle représentait une contradiction avec ses convictions. Les anars sont pourtant censés être respectueux des choix non de tout le monde, mais de chacun. Comprend qui peut.

FERRE semble avoir atteint un certain sommet. Ses disques se vendent, ses concerts sont complets. L’inspiration ne lui fait jamais défaut et il est capable d’écrire à propos de tout et de rien avec une incroyable facilité. C’est là sans doute que le bât blesse. Car ce FERRE 64, souvent décrit comme un bon, voire un excellent album, est bourré de faiblesses qui agacent.

« C’est le printemps » ouvre le disque. Sur un air de valse, FERRE balance une chanson joyeuse, mais qui débute par « y’a la nature qu'est tout en sueur / dans les hectares y’a du bonheur / C’est l’printemps ». Vers de mirliton, de mauvais augure ! Le présage s’avère confirmé, malheureusement, l’album étant traversé de part en part par de bien pauvres rimes, quand elles ne sont pas douteuses ! Dans « Tu Sors Souvent La Mer », FERRE ose : « Ça s'appelle bateau et ça marche au mazout / Dès le petit matin ça s'en met plein le trou (sic!) / Ça sait pas marcher droit, ça flirte avec Radar / Un espion, un poulet, un voyeur, un bavard ». Pfff. Et ça continue. Dans « Sans Façon », chanson anarchisante : « On a l'bon sens économique / Alors faut pas qu'on nous explique / Que l'bœuf gros sel vaut pas l'filet / Laissez filer ». Faire rimer « filet » et « filez », comme c’est malin ! Et que dire de cet impayable jeu de mot dans « La Mélancolie » ? Pour évoquer le tiercé et la télévision, Ferré balance un « Zitrone* pressé ». Grosse poilade.

Tout cela n’est pas très digne. Le sens des textes, tiré par les cheveux, semble abandonné au profit de la rime, pauvre qui plus est. Et c’est l’immense défaut de cet album, cette façon de saboter d’honnêtes chansons par quelques vers médiocres, qui pourrissent l’ensemble. « La mélancolie », citée plus haut, pourrait être excellente si elle n’était ridiculisée par des facilités. En fait, FERRE semble s’être reposé sur ses lauriers et n’avoir que fort peu travaillé.

On est déçu. Le contraste n’en est que plus vif lorsque l’on parvient finalement à une grande chanson : « Franco La Muerte ». FERRE a déjà évoqué la guerre d’Espagne, évidemment, mais il ne s’est jamais attaqué aussi frontalement au triste sire qu’était le « caudillo ». C’est fait, grâce à une plume affûtée comme une lame et une musique vibrante, qui vous emporte. On voudrait tout citer, on se contentera de deux passages : « Tu couches avec une Pénélope / Qui tisse un suaire en bas d'l'Europe », ou encore : « Toi tu fais pas d’littérature / Franco la muerte / T'es pas Lorca**, t'es sa rature ». Ah mais ! Voilà qui claque et qui nous rappelle que FERRE peut être grand ! Il en devient d’autant moins excusable lorsqu’il pond des bêtises.

Cet album est très moyen, pris dans son ensemble, et seul « Franco La Muerte » vous happe et vous sonne. Le reste, à l’exception peut-être de « Mon piano », drôlatique, n’est pas à la hauteur de FERRE. Redisons qu’il est un homme de forme autant que de fond, et que sa plume est plus à son aise dans les grandes idées ou les grands sentiments que dans la description du quotidien. « Les retraités », que l’on peut difficilement écouter sans penser aux « Vieux » de Jacques BREL, le prouvent. « Les Vieux », c’est un portrait juste et impitoyable de la vieillesse. « Les Retraités », c’est une chanson qui hésite entre la critique sociale et la méchanceté, mais qui ne décolle jamais. Si BREL avait du génie pour décrire le quotidien et rendre flamboyants et/ou ridicules des types ordinaires, FERRE, lui, en est incapable. Un album dispensable.


*Présentateur de télévision imbu de lui-même, mort depuis longtemps, dont on retiendra le goût des bourrins, des princes et des princesses ainsi qu’une sombre histoire de lunettes brisées.

**Federico García Lorca (1898-1936), poète et dramaturge espagnol assassiné par les franquistes.

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- ferré 64
1. C'est Le Printemps
2. La Gauloise
3. Le Marché Du Poète
4. Mon Piano
5. Les Retraités
6. Franco La Muerte
7. Titi De Paris
8. La Mélancolie
9. Épique époque
10. Tu Sors Souvent La Me
11. Sans Façon
12. Quand J'étais Môme



             



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