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CHANSON FRANçAISE  |  STUDIO

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- Style : Glenmor, Hubert Felix Thiefaine , Bernard Lavilliers

Léo FERRE - Amour Anarchie (vol.1) (1970)
Par LE BARON le 27 Août 2019          Consultée 2451 fois

Depuis 1968, Léo FERRE, dont le premier album remonte tout de même à près de 20 ans, vit un petit miracle : son auditoire s’élargit soudain. Ben oui, les généreuses idées de Mai sont entrées en résonance avec ses textes, rendant ces derniers modernes tout d’un coup. Ce succès galvanise FERRE, qui décide de le renforcer, à travers cet Amour Anarchie, en rajeunissant sa musique. Lui qui ne l’aime a priori que "Grande", il se découvre un goût pour The BEATLES, et autres MOODY BLUES. Cela pourrait être une posture, paraître fabriqué, sonner faux, mais c’est tout le contraire. Amour Anarchie fait clairement partie des excellents disques de Léo FERRE.

Il faut dire que l’album débute par un grand titre, "Le Chien". Avec lui, FERRE, se débarrassant des codes de la chanson, atteint à une véritable liberté stylistique : plus de couplet, plus de refrain, des rimes qui disparaissent peu à peu, une durée inhabituelle de 7 minutes, le tout permettant une incroyable liberté de ton. "Le Chien" n’est pas un – ou pas qu’un – manifeste cynique, comme son titre pourrait le laisser croire, mais plutôt un texte oscillant entre la proclamation et la profession de foi, évoquant poésie et révolution et formant un appel. Appel à quoi ? Au combat, à l’amour, à... ce que vous vous voudrez, il y a à boire et à manger là-dedans. Alors oui, le texte est volontiers hermétique, mais qu’importe ! Léo s’adresse à nos tripes plutôt qu’à nos têtes, laissant filer sa plume comme le poète de combat qu’il est devenu. Cette fois, ça y est, il se prend vraiment pour un prophète ! Et la musique n’est pas en reste, innovant également avec radicalité. FERRE est en effet accompagné, sur ce titre, par le groupe ZOO*, plus proche du rock prog que de la chanson rive gauche. Il y a une basse, une batterie, un orgue, et même un riff de guitare qui tâche ! Et c’est excellent, tout simplement, avec cette indispensable touche de suranné tellement années 70.

Après une telle entrée en matière, on peut redouter la suite, craindre qu’elle ne soit pas au même niveau. Alors oui, comme toujours avec FERRE, le disque n’est pas parfait. Evacuons tout de suite les titres les moins intéressants : "Petite", dont le faux sentimentalisme cache un esprit étonnamment grivois ("Tu reviendras me voir bientôt / Le jour où ça ne m’ira plus / Quand sous ta robe il n’y aura plus le Code Pénal")** ; "La Lettre", prétentieuse ; "Rotterdam", évidente "réponse" à Jacques BREL mais pas du tout du niveau d’"Amsterdam".

Le reste est impeccable, vraiment, et ne comprend que des titres incontournables. "La Mémoire et la mer", encore plus hermétique que "Le Chien" peut-être, s’avère franchement poétique. Là encore, ce sont les images et la sonorité de la langue qui comptent, davantage que le premier degré. Dans « Poètes, vos papiers », autre pépite, FERRE s’en donne à cœur joie. Bien que ce texte ait été écrit dans les années 1950, c’est 20 ans plus tard qu’il devient lumineux, FERRE "débours[ant] des mots à longueur de pelure", jouant avec le verbe à grands renforts de cuivres grasseyants à souhait. FERRE n’est pas seulement rock, il est pop aussi ! Quoi d’autre ? « La The*** Nana », plus érotique, et où Léo retrouve ZOO ; "Paris, je ne t’aime plus", évoquant – déjà – la nostalgie de 68, du "Paris de Nanterre / Paris de Cohn-Bendit" que FERRE déclare aimer encore pourvu qu’il soit debout. Quant au "Crachat", c’est un véritable exercice de style, puisqu'il s’agit bien de décrire un glaviot bien dégueulasse, ce que FERRE parvient à faire avec ce que l’on hésite à qualifier de gourmandise.

Amour Anarchie est incontournable. Il flotte au-dessus de lui un délicieux parfum de liberté acquise au fil du temps par un interprète désormais mature. Qu’il s’agisse des textes, de la musique ou de l’interprétation, FERRE donne libre cours à sa verve, s’enflamme, gueule, ricane, incarne et chante mieux que jamais, jusqu'à l’excès qui lui va bien. Alors, oui, il y a les inévitables faiblesses qui empêchent le disque d’atteindre au sublime. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’un deuxième volume est sur le feu.



*Pour l’anecdote, disons que FERRE devait enregistrer, à New-York, avec Jimi HENDRIX ! Mais ce dernier n’est jamais venu. Une séance a alors été reprogrammée, avec John MCLAUGHLIN et Billy COBHAM, pas encore membres du MAHAVISHNU ORCHESTRA. On adorerait entendre les bandes, si elles existent.

**Pas sûr qu’on pourrait la chanter aujourd’hui, celle-là.

***Que FERRE, franchouillard, prononce « dzeu ».

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   LE BARON

 
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- Léo Ferré (voix)
- Zoo ('le chien', 'la the nana')


- amour Anarchie (vol. 1)
1. Le Chien
2. Petite
3. Poètes Vos Papiers !
4. La Lettre
5. La The Nana
6. La Mémoire Et La Mer
7. Rotterdam
8. Paris Je Ne T'aime Plus
9. Le Crachat



             



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