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- Style + Membre : George Benson & Al Jarreau

Al JARREAU - Accentuate The Positive (2004)
Par BAKER le 9 Mai 2019          Consultée 1612 fois

Nous voici revenus à la case départ. En 1965, Al JARREAU essaie de se faire un nom en reprenant des standards du jazz des années 40 et 50. 39 ans plus tard, notre homme est devenu un des plus grands noms du genre, une sommité. Et franchement, le côté hétéroclite et pas toujours équilibré de ses derniers albums ne l'a pas descendu de son piédestal. Il faut cependant avouer que son passage chez GRP a été moyennement convaincant : trop moderne pour certains, pas assez... ben GRP pour d'autres. Qu'à cela ne tienne, Al sort le grand jeu. Ah, la bande à GRUSIN n'est pas assez chic, pas assez classe, Abitbol ? Eh ben va t'faire mettre ! Moi, je vais carrément me fringuer chez Verve, THE label standard du grand jazz. Mon pauvre Al, tu confonds classe et coquetterie, à mon avis tu es fou.

Sauf que cet album est un assez extraordinaire bouclage de boucle. Sur le papier, il s'agit d'un disque très majoritairement constitué de... reprises de standards. A ceci près que d'une part, Al JARREAU a donc 39 ans d'expérience en plus, dont une quinzaine d'années où il a régné de façon insolente, pour ne pas dire bravache, sur le jazz vocal, le scat, l'impro, le groove. Et d'autre part, et ce n'est pas anecdotique, en 39 ans le jazz a évolué. Les techniques d'enregistrement aussi. Et donc on se retrouve, paradoxalement, avec un disque de standards signé chez Verve mais qui sur le plan sonore aurait largement pu sortir chez... GRP.

Et donc oui, avant de parler d'Al, il nous faut impérativement saluer les musiciens l'accompagnant. Naviguant en eaux troubles entre le jazz de papa aux balais brossés (Peter ERSKINE notamment) et les fulgurances technico-commerciales que le jazz fusion a démocratisées, les zicos donnent le meilleur d'eux-mêmes dans des solos inoubliables. La guitare sur l'opener "Cold Duck" (véritable mise en bouche frétillante), l'harmonica magnifique de "Midnight Sun" qui rappelle Moonlightning (ironiquement, ça rappelle plus la musique d'Alf CLAUSEN que la chanson de JARREAU), le piano très mélodique et accessible de "Betty Bebop", la... voix d'Al sur plusieurs passages scat où il se montre écoeurant, sans oublier peut-être le clou du spectacle, un Larry GOLDINGS qui nous sort un solo d'Hammond toutes tirettes dehors à en faire pâmer Eddy LOUISS.

Le disque est avant tout un creuset divisé en deux moitiés, des chansons "witty", "quirky" et autres carabistouilles intraduisibles en français, et des ballades suaves. Très suaves. Ennuyeuses ? Oh que non, car Al y retrouve cette sensualité, cette proximité, cette fragilité qui ramènent à ses plus immenses pages, Breakin' Away en tête de gondole (écoutez-moi ce "Nearness of You", d'une fragilité de bébé libellule). L'équilibre est plutôt bien respecté, avec notamment "Midnight Sun" si harmoniquement complexe qu'il scinde en deux le CD à la façon de Moïse On The Rocks. Seule "Waltz for Debby", trop classique, trop plan-plan (malgré une scansion balèze), se montre décevante ; tous les autres titres sont au niveau d'excellence qu'on attendait.

Une ballade au feu qui couve et au riff qui rappelle de très loin "Closer to Your Love" ("Betty Bebop", ou "la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre"), une leçon hallucinante de vocalises qui rappelle céki k'es le boss, boss, agrémenté d'un solo de contrebasse foxy et dégoulinant de sueur ("Groovin' High", qui rappellera aux vieux gamers Maupiti Island), un inédit bondissant qui laisse aux musiciens une autoroute pour leurs penchants bluesy (le terrible "Schootcha-Booty"), et un "Lotus" qui marche sur des oeufs, à la fois mélodique et très délicat : on ne peut pas dire qu'Al ait choisi la facilité.

Et pourtant, c'est ce qui transpire de ce disque, sa modernité absolue et son mélange d'accessibilité et de complexité, comme au bon vieux temps. Al se montre taquin, touchant, drôle, entraînant, sincère, tour à tour, développant l'arc-en-ciel de ses qualités. Si "Groovin' High" (côté pile) et "The Nearness of You" (côte face) sont les deux summums de l'album, on sera bien en peine de prendre tout le disque en défaut. A la rigueur, on pourra déceler ça et là quelques débuts de faiblesses vocales : Al se met parfois en danger, et ironiquement, plus lorsqu'il sussure, qu'il est à l'économie, comme une bonne vieille Testarossa tout droit sortie d'Out Run qui te tape le 295 passe-crème mais a du mal à grimper la côte du garage privé du Kremin-Bi en première. Il faut dire que sur plusieurs titres, ce qu'il fait vocalement en 5 minutes, certains chanteurs n'ont pas assez de toute une vie pour y arriver.

Voilà donc un disque presque parfait, pont tout trouvé entre plusieurs générations de mélomanes et amoureux du, des jazz(s), et il est d'autant plus touchant qu'il s'agit peu ou prou du dernier "vrai" album de JARREAU. Un album en duo, un de Noël, un tribute avec autant d'invités que de pistes : sur le papier, Accentuate the Positive est le testament discographique d'Al JARREAU. Et il faut avouer, non seulement pour un testament ça a sacrément de la gueule, mais se permettre de tirer son chapeau (melon) en demandant de mettre l'accent sur les points positifs, ce n'est plus classe, Abitbol, c'est surpuissant.

Note finale : 4,5 mais comment ne pas mettre 5 étoiles, hein ? Hein ? Hein, hein, hein ? Ah ben tiens, cinq hein.

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- Al Jarreau (chant)
- Larry Williams (claviers)
- Russell Ferrante (piano)
- Larry Goldings (orgue)
- Anthony Wilson (guitare)
- Anthony Williams (guitare)
- Christian Mcbride (basse)
- Dave Carpenter (basse)
- Mark Simmons (batterie)
- Peter Erskine (batterie)
- Tollak Ollestad (harmonica)
- Luis Conte (percussions)
- Keith Anderson (saxophone)


1. Cold Duck
2. The Nearness Of You
3. I'm Beginning To See The Light
4. My Foolish Heart
5. Midnight Sun
6. Ac-cent-tchu-ate The Positive
7. Betty Bebop's Song
8. Waltz For Debby
9. Groovin' High
10. Lotus
11. Scootcha-booty



             



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