Quand ils ont commencé l’aventure, aucun des frères et sœurs Burguière n’avait vingt ans. Et pourtant le groupe qu’ils ont créé a fini par les avoir. Une sacrée occasion de faire la fête, pour sûr ! Comme ils l’avaient fait dix ans plus tôt, Les OGRES DE BARBACK s’embarquent dans une tournée anniversaire accompagnés d’une fanfare. Celle-ci est d’un style résolument différent de la précédente puisqu’elle vient tout droit du Bénin. Elle s’appelle EYO’NLE, ça veut dire « réjouissez-vous ». La couleur qu’elle apporte à ce disque en fait toute sa particularité. C’est l’un des live les plus singuliers du groupe, la preuve pour la première fois il est servi en deux disques.

Le premier est un aperçu du spectacle anniversaire, auquel j’ai eu la chance d’assister. Je me souviens du début où les quatre ogres avaient commencé par jouer à l’arrière de la foule sans micros. La fanfare s’était manifestée quelques minutes plus tard, une fois la fosse traversée puis la scène rejointe. Ça avait duré trois heures et fini comme ça avait commencé : tous les musiciens débranchés, au milieu du public, à jouer encore et encore. Une superbe soirée, festive et généreuse.

Fidèle à leurs habitudes, cet album des Ogres ramène ce spectacle à un disque d’une grosse heure, avec une quinzaine de titres. On y trouve seulement deux morceaux du dernier album en date et à peine plus de classiques. Le reste est plus inattendu et participe également à la singularité de cette publication. Les morceaux déjà bien connus sont en outre livrés dans des versions mémorables, comme celles des deux incontournables de ce répertoire (« Grand-mère » et « Rue de Panam ») largement revues à la sauce du jour, c’est-à-dire gorgées de notes cuivrées et africaines. Comme il y a peu de morceaux, ceux-ci peuvent durer longtemps, ce qui permet pleinement de profiter de cette atmosphère (trois performances de plus de 8 minutes ont été gardées).

Je disais que ce disque anniversaire a l’originalité de ne nous proposer que fort peu de titres que l’on connaissait déjà. Le reste fait la part belle à la rencontre entre la musicalité des Ogres et celle de la fanfare EYO’NLE. Morceaux instrumentaux et chants africains se succèdent, pleins de vie et de chaleur. Si l’on retrouve quelques airs des Ogres repris en fanfare (et en medley), ce sont pour beaucoup des choses nouvelles. Il faut accrocher à cette ambiance particulière afro-cuivrée, mais ce parti pris est à saluer en ce sens qu’il est assumé jusqu’au bout, même lorsqu’il s’agit de reprendre du BRASSENS. Dans mes souvenirs, le public avait vraiment bien accroché à cette proposition et on l’entend d’ailleurs sur cet enregistrement. Le final (qui est en fait l’avant-dernière piste) le prouve bien. J’ai rarement fait partie d’un public autant désireux de prolonger la fin d’un concert, personne ne voulait partir ! Cette « Africa night » avait superbement lancé l’after.

Le deuxième disque est une sorte de cadeau d’anniversaire. C’est une compilation de chants d’un soir, moments vécus sur la route de cette tournée avec des musiciens de passage venus partager la scène. L’ambiance est très différente du premier CD, allant vers des directions très dissemblables puisque les invités viennent d’univers fort différents. Tous dessinent en creux un portrait de notre groupe, par ses influences ainsi que ses proximités artistiques. Au rayon des grands anciens, certains comme Anne SYLVESTRE viennent chanter en personne tandis que d’autres sont évoqués à plusieurs. Deux chansons d’Allain LEPREST font ressentir l’influence du grand homme sur toute cette scène indépendante, mais Jean FERRAT, RENAUD ou encore Mano SOLO sont également convoqués dans cet arbre généalogique.

Les Ogres ouvrent leur scène à la génération d’avant (TETES RAIDES, La TORDUE), à leurs potes de toujours (Loïc LANTOINE, Les HURLEMENTS D’LEO, DEBOUT SUR LE ZINC entre autres) mais aussi à ceux qui sont venus après (MELLISMELL ou Frédéric FROMET, dont l’album a été produit par les Burguière). Sans oublier quelques petites choses plus surprenantes (la quasi tribune laissée à Daniel Mermet, le son très différent de Winston MCANUFF) ou encore le moment Pitt’Ocha. Tout ne se vaut pas (par exemple j’ai définitivement du mal avec le principe de la collégiale, qui ne rend pas justice au « Daron » à mon goût), mais il y a de vrais moments magiques. A l’arrivée ces deux disques, loin de répéter ce que l’on connaissait déjà, réussissent à montrer à nouveau un autre visage des OGRES DE BARBACK. Après 20 ans de carrière, c’est plutôt fort. Merci pour le cadeau !