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- Style : TÊtes Raides, Pierre Perret , Renaud, Mano Negra, Les Vrp
- Membre : La Commune Refleurira

Les OGRES DE BARBACK - Rue Du Temps (1997)
Par RAMON PEREZ le 6 Novembre 2020          Consultée 1210 fois

Au tournant des siècles, il y eut dans notre pays l’émergence de plusieurs groupes qui se sentirent un air de famille. A la croisée de divers mouvements musicaux, une chose rassemblait la plupart d’entre eux : la volonté de se passer du système habituel pour vivre de leur musique. Évoluer loin des maisons de disques ou des médias, pas tellement par critique que par choix d’autonomie. Se démerder seuls, c’est-à-dire par la voie ancestrale : jouer à peu près partout. Dans les rues, sur toutes les scènes. Fédérer un public par les concerts plutôt que par quelques tubes, ce qui s’est révélé plus tard avoir été une très bonne intuition lorsque les ventes de disques se sont crashées ; un événement que ces artistes ont regardé avec une certaine indifférence. Ils écoulaient l’essentiel de leurs albums en sortant de scène, même que ça marchait pas mal.

Une autre chose fréquente avec cette scène, c’était le choix du collectif. Musicalement davantage descendants des orchestres et des fanfares plutôt que des chanteurs de cabaret, ces groupes étaient généralement constitués de nombreux musiciens. Il y avait globalement un choix affirmé de mettre en avant leur identité musicale plutôt que leurs textes, même chez ceux qui les travaillaient de près - ce qui diffère des habitudes de la chanson française. Certains ont qualifié cette scène de chanson indépendante. Il n’y a pour autant pas de frontière rigide, certains artistes faisant partie du mouvement sans répondre aux grandes tendances que je viens de lister. Les HURLEMENTS D’LEO, BABYLON CIRCUS mais aussi la RUE KETANOU, TRYO ou encore Loïc LANTOINE sont quelques noms de cette famille.

Mais, pour moi, s’il ne fallait en retenir qu’un, incarnant à merveille la lettre et l’esprit de cette scène, ce serait celui des OGRES DE BARBACK. La grande particularité de ces quatre musiciens-nés, c’est qu’il s’agit avant tout de quatre frères et sœurs, la famille Burguière. Leurs parents avaient plein d’instruments de musique chez eux qu’ils ont très vite mis dans les mains de leur progéniture. L'ainé, Samuel, se révéla être un guitariste intéressant ainsi qu’un violoniste habile. Mais on le vit aussi très vite souffler correctement dans une trompette et toucher à pas mal d’autres choses. Le second garçon, Fred, s’il est également un guitariste chevronné (plutôt rythmique) s’est surtout distingué à l’accordéon. C’est également lui qui prit le stylo et le micro. Les deux frangins n’attendirent pas leur majorité pour participer à des groupes ou jouer dans la rue, se balader dans la région et au-delà pour faire entendre leurs notes.

De leur côté, les deux frangines suivirent une voie plus institutionnelle en faisant le conservatoire. Alice au violoncelle, Mathilde au piano. Ce qui ne les a pas empêchées de toucher elles aussi à pas mal d’autres instruments (à vent notamment). C’est en 1994 que les deux frères et les deux sœurs (qui ont alors 15 ans, elles sont jumelles) finirent par jouer ensemble. Le compteur des années a démarré là pour les Ogres. Il leur a toutefois fallu trois ans pour sortir leur premier disque. C’est qu’à l’époque ce qui comptait en premier c’était de jouer. Peu importe ce que cela rapportait tant que les chapeaux permettaient d’aller d’une semaine à l’autre. Faire un disque, personne n’y a pensé jusqu'à ce que la fratrie croise certaines TETES RAIDES qui leur en ont soufflé l’idée. Le temps de trouver comment faire ça de façon autonome, en autoproduction, est arrivé Rue du Temps qui est devenu une vraie référence de la chanson indépendante.

Il s’agit d’un exemple typique du premier album longuement mûri sur scène. Très bien construit, coulant de source à force d’en avoir poli les chansons. C’est par excellence le disque qui met la barre haut pour débuter une discographie. Le seul petit reproche à faire, c’est un son un peu léger. Rien d’anormal pour le premier travail d’un collectif qui apprend sur le tas. Pour le reste, il s’agit d’un disque vraiment intéressant, riche et enlevé. Un pied au milieu de la canaille, l’autre bien planté en Europe de l’est ainsi que le démontrent les quelques instrumentaux qui le parsèment. La construction des morceaux est franchement remarquable. Structurés au piano ou à la guitare la plupart du temps, ils font résonner les cuivres, les cordes ou l’accordéon en guise de couleurs. Une richesse sonore mais aussi mélodique et rythmique plus que prometteuse pour un premier disque et surtout pour un groupe dont les membres ont à peine la vingtaine, s’ils les ont.

On peut relever qu’il y a un vrai contraste entre la musique, plutôt lumineuse et positive, et l’ambiance des morceaux marquée par un propos plus noir. Les Ogres retrouvent dans cette Rue du temps une foule de marginaux qui n’ont pas la vie rose. Ceux qui n’ont plus rien à perdre puisqu'ils ont déjà tout perdu, ces tonnes de gens sans importance. Ceux qui peuplent le macadam et les bistrots arpentés également par les voyageurs ou les vagabonds. Voyageurs qui sont un peu les figures auxquelles le groupe semble se rattacher, sans idéalisme néanmoins puisqu'il est surtout question des difficultés et des déchirements liés à ce mode de vie. La fratrie livre une belle flopée de titres sur ces thématiques, fort bien écrits et joliment arrangés.

Une partie de ces titres, qui forme toujours le socle de leur répertoire, sont devenus de vrais classiques pour leur public. Difficile d’imaginer un concert sans "Accordéon pour les cons" ou l’histoire de leur grand-père. Au-delà du public du groupe, c’est bien toute une population sensible à cette scène indépendante qui considère ces morceaux comme des incontournables et l’album entier comme une référence. Tends l’oreille aux musiciens qui jouent en bas de chez toi, il est fort possible que tu entendes l’une de ces chansons. Une en particulier, devenue un véritable hymne des rues. Une chanson qu’évidemment nombre de gens ignorent mais que pourtant des centaines de milliers connaissent par cœur : "Rue de Panam". Il paraît que c’est la première qu’ils ont écrit ensemble ; c’est dingue comme on peut atteindre le cœur à la première flèche. Cette chanson, il se trouvera encore des gens pour la chanter dans plusieurs décennies, quand le nom des OGRES DE BARBACK aura été oublié depuis longtemps. Elle se transmet déjà davantage par le bouche à oreille que par l’écoute de l’album.

Pour l’anecdote, la version terminant Rue du temps voit la participation de Serge et d'Iso de TETES RAIDES, qui apportent un souffle ajoutant encore quelque chose à cette composition. Il y a un autre groupe tutélaire auquel la fin du disque renvoie, à savoir les VRP. La reprise de "Léo" était un pilier du répertoire des OGRES à leurs débuts avec "Rue de Panam" et une chanson de Pierre PERRET dont nous reparlerons ; l’enregistrement présent ici semble provenir d’une de ces prestations de rue, souvenir des premières heures. On y entend un groupe insouciant, mais avec déjà une idée précise de comment il veut sonner ainsi que de ce qu’il veut jouer et chanter, comme le reste de l’album le met en pratique. Il y a une vraie fraîcheur à jamais gravée sur ce grand disque, que les OGRES d'aujourd'hui peuvent être fiers de n’avoir jamais trahie.

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   RAMON PEREZ

 
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- Alice Burguière (violoncelle, contrebasse)
- Fred Burguière (chant, accordéon)
- Mathilde Burguière (piano, flûte)
- Samuel Burguière (guitare, violon)


1. Tchayuskov
2. Les Voyageurs
3. Grand-père
4. P'tit Gars
5. Ces Tonnes De Gens
6. Femme Du Guerrier
7. Accordéon Pour Les Cons
8. Valkovitch
9. Le Délire De Deux Alcooliques
10. Kolyn
11. Le Voyageur
12. P'tit Bonhomme
13. Tout Perdu
14. Rue De Panam



             



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