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LORN - Weigh Me Down (2012)
Par CHIPSTOUILLE le 4 Janvier 2022          Consultée 736 fois

Dans le jeu-vidéo Ico, on incarne un jeune garçon du même nom, né avec des cornes (la pauvre maman…), victime d’après ses pairs d’une malédiction. Dans son exil forcé, qui le mène à un château, Ico fait la rencontre de Yorda, une fille douée de mystérieux pouvoirs. Pour parvenir à leurs fins, Ico et Yorda doivent affronter des monstres, des ombres, multiples, difficiles à discerner.

Jusque-là, rien de bien folichon. Un guerrier, une jeune fille, un château, des monstres à répétition, on a là une bonne vieille recette classique de jeu-vidéo. Pour avancer, Ico doit toutefois tenir la main de Yorda. Un lien constant, bien que fragile, unit nos deux héros. Mais on a beau maintenir le bouton appuyé, parfois Yorda nous échappe des mains. Alors, il faut revenir, la relever, pour poursuivre ensemble, pour vaincre l’adversité. Plus qu’un jeu-vidéo, Ico est un message sur l’entraide, la coopération. C’est par sa capacité à rendre ce lien tangible, unique, que Ico est devenu un classique du jeu-vidéo. Un grand jeu-vidéo.

Le clip de "Weigh me Down", au même titre que celui de "Diamond", utilise également les codes visuels du jeu-vidéo. Egalement vu de côté, le double pixélisé de Marcos Ortega y a cependant bien grandi. Fini les teintes d'un gris bleuté s’évanouissant dans l’obscurité, Weigh Me Down passe dans le rouge. Le rouge d’un carton. Un rouge de colère, un rouge de frustration, un rouge de sang. Il a grandi, au milieu de ces arbres mystérieux, les mêmes que l’on trouve en abondance dans le clip de Diamond. Comme Ico, LORN est victime de la même malédiction : des cornes lui ont poussé sur la tête. Mais contrairement à Diamond, où l’ombre poursuit notre héros, contraint à avancer en ligne droite, ici les ombres s’incarnent dans des humains. Fini l’avancée en ligne droite, fini l’enfance, fini l’errance, LORN doit désormais parcourir son propre chemin. Mais il est bousculé, une fois, deux fois, et plus encore. Alors, il chute, dans un wagon, plein d’êtres semblables avec des cornes. Des vaches qui terminent à l’abattoir, tout comme lui, dans un bain de sang.

Il s’enfuit de justesse. Ces vaches que l’on a découpées, les ombres les achètent, les consomment, la tête cornée dans leur caddie. De l’abattoir, nous sommes passés au supermarché. Puis il y a ce ciel, qui semble lui parler, qui nous parle à nous, spect-acteurs de cette société. Les paroles témoignent d’une résolution inébranlable, à ne pas se faire avoir par des faux semblants. Le message est court, mais incisif. Finalement, devant un parterre d’humains consommant à même une pile de carcasses, LORN s’énerve et se transforme en une créature au regard haineux, mi-nautore, mi-Satan, devant un crucifix inversé. La fin verse dans une boucherie d’un autre genre, que LORN signe de son nom dans les ruines d’une industrie agro-alimentaire dévastée.

Musicalement, on a là l’un des titres les plus violents de LORN, sans vélocité, mais avec un rythme martelé. Le message est répété, multiplié. Les nappes de fond sonnent comme des sirènes d’alarme. Le rythme est fait de métal, et déchiquette nos oreilles avec ses lames industrielles. Weigh Me Down est un cri d’alerte asséné à nos yeux et nos oreilles. Le titre clame à longueur de secondes incarnées, comment son auteur se sent entraîné vers le fond. C’est une fois de plus redoutable d’efficacité.

Je me méfie cependant de la sacralisation des vaches. Je les ai vues à Bangalore, les vaches sacrées. Elles sont faméliques, passent leur journée les 4 sabots dans la merde ou les déchets, à brouter des bouquets de sacs plastiques farcis aux épluchures. Si les hindous ont raison, si Shiva, Ganesh ou je-ne-sais-qui doit me réincarner en vache… Par pitié, faites que je débarque dans le Bourbonnais ou le Lubéron. Même si la fin, prématurée, sera un sale quart-d’heure à passer. Tout, sauf d’être ainsi ignoré au milieu d’une ville-décharge, et traîté comme le dernier des parias au prétexte d’être sacré.

Je suis fils d’éleveur, un métier difficile. Avec les animaux, il n’y a pas de jours de congés. Nettoyer le cul des vaches, c’est une vocation. Quand on aime la nature, c’est paradoxalement l’une des rares activités rémunérées en dehors des villes. Les éleveurs subissent tout un tas de pressions : les banques, les assurances, les maladies, le cours des céréales, du pétrole, et surtout les prix d’achat – et les marges – imposés par la grande distribution. Depuis leurs grandes villes polluées, les végans pointent les éleveurs du doigt. J’ai bien vu les vidéos de L214, je sais qu'il y a des abus. Des abus qu'il faut bien sûr condamner. Attention cependant à ne pas faire de généralités. Dans l’offre et la demande, il y a plusieurs aspects à considérer.

Côté offre, depuis quelques années, on trouve des galettes de céréales, des falafels et toute une variété de produits végétariens, suffisamment goûteux pour facilement remplacer la viande dans nos assiettes. Ça coûte un bras, surtout pour ce que c’est. Jules-Edouard Leclerc et tous ses petits copains se sont bien assurés que la prise de conscience soit également gage de rentabilité. C’est peut-être eux qu’il faudrait pointer du doigt en premier.

Côté demande, les gens ont perdu pied avec la réalité. On devrait passer un permis pour consommer de la viande. Avec un examen qui nous demande de tuer des vaches de sang-froid, en mode No Country for Old Men, à coup de pistolet à air comprimé. Un coup entre les deux yeux, histoire de ne pas prétendre que la viande, ce n’est qu’un truc bien emballé dans une barquette au blanc immaculé.

Les extrêmes, ce n’est jamais bon. Prenez simplement conscience des réalités. Nous sommes omnivores. Comme vous tous, je lutte entre mon instinct et ma raison, entre mes envies et mes répulsions. Je consomme de la viande, du poisson, des œufs et des produits laitiers. Je préfère ça que d’acheter des comprimés de vitamine B12 à l’industrie pharmaceutique. Mais j’évite d’en surconsommer (à part le fromage j'avoue, c'est ma nicotine à moi). Quand votre boucher vous demande Il y en a plus, je vous le mets quand même ?, répondez non. Cherchez des alternatives, remettez vos repas constamment en question. La cuisine indienne pourrait vous donner de bonnes idées. Dans les rares pièces de veau et de bœuf que je m’achète encore, je mets le prix pour avoir du Bio ou du Label Rouge. J’en ai presque fait un repas de fête, une grande occasion. J’évite de sauter comme un con sur la première promotion, parce que c’est l’outil de la grande distribution pour tous nous manipuler. Vous avez entendu parler du data mining ? 10% de moins sur le poisson, c’est 30% de plus sur le riz au même instant. Effet garanti, à la fin vous êtes toujours couillonnés. Le seul cas où vous devriez considérer une promotion, c’est lorsqu’un produit est sur le point d’être retiré d’un rayon, pour éviter qu’il ne soit jeté. Ça devrait être interdit, de jeter de la nourriture, condamné. Consommer plus intelligemment, c’est aussi s’assurer, tous ensemble, que rien ne soit gâché. Alors entraidons-nous, comme Ico et Yorda, expliquons les choses, plutôt que de nous pointer mutuellement du doigt, de rejeter le problème sur les autres, de voir rouge, et que tout ne finisse en boucherie.

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- Marcos Ortega (musique)
- Max Friedrich (direction, animation)


1. Weigh Me Down



             



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