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LORN - Ghosst(s) (2012)
Par CHIPSTOUILLE le 5 Janvier 2022          Consultée 863 fois

Tu ne veux pas te recueillir auprès de ton arrière-grand-mère une dernière fois ?

Non, je n’ai pas voulu. Je préférais garder d’elle une image pleine de vie. Même si elle était toute ridée et qu’à 90 ans passé, elle était avachie sur elle-même à cause de son mal de dos. Au moins, le souvenir que je garde d’elle, c’est celui d’un visage souriant, et de beaux yeux tout bleus, grand ouverts. A chaque enterrement, la même question, à chaque enterrement le même refus. Même la seule fois où j’étais présent à l’heure des faits, j’en avais déjà trop vu.

Regarder la mort, bien en face, dans les yeux. C’est ce que le clip de "Ghosst(s)" nous propose, nous impose en réalité. Ce visage est ridé, moustachu, cicatrisé, a le regard torve et nous fixe de ses yeux légèrement écartés, qu'un Shigenori Soejima (1) ne renierait pas. Il cligne encore des yeux, il nous fixe du regard, ce visage. Sauf qu’il est déjà en train de se putréfier. Du sang, des mouches, des larves, jusqu’à la liquéfaction, rien ne nous est épargné, jusqu'à l’écœurement.

La mort, froide, ce regard qui toise Caïn dans son cercueil, LORN nous la livre de la façon la plus crue possible. Il faut du courage pour regarder la mort ainsi en face. Pourtant, impossible de détourner le regard. Si le visage est bel et bien mort, les yeux nous toisent depuis l’au-delà. Cligner des yeux, c’est déjà risquer que l’image s’en prenne à nous, l’espace d’un instant. Ask the Dust, l’album que "Ghosst(s)" conclut, nous propose également le visage de la mort en guise de pochette. Une mort que l’on a déjà si souvent rencontrée. Mais la version de LORN n’a pas le glamour des mascottes d’IRON MAIDEN ou de MEGADETH. Chez LORN, ce n’est plus pour s'en moquer.

Impossible de regarder ailleurs, pourtant. Le visage est toujours là, un crâne poli par le temps, dont un centipède s’échappe, puis un réseau de vaisseaux sanguins, un regard que l’on devine dans la fumée, et il revient. On est dans le surréalisme le plus prononcé, le visage se reforme et se déforme de toutes les façons imaginables. Puis il se dédouble, ils sont désormais 2, et se retournent. L’impression d’être toisé depuis le début se confirme. Alors que les visages se tournent et se détournent, leurs yeux continuent de nous fixer, au point de se transformer en serpents venimeux. Même lorsqu’il n’y a plus qu’un écran fait de bruit, on devine ce visage nous toisant. Quoi que nous fassions, le regard persiste.

Côté musique, une contrebasse démoniaque entonne une mélodie des plus morbides. Les nappes de claviers sont tellement afutées qu'elles nous laissent des cicatrices. LORN chante en falsetto, quatre vers imparables, comme d’habitude. Son « chez soi », celui après il court durant tout le clip de "Diamond", c’est ici qu’il le ressent, en fixant du regard un fantôme. Avec ces yeux assimilés à des serpents, on se doute qu’il s’agit de quelqu’un qu’il ne porte pas dans son cœur. Marcos Ortega déteste son père, mais il parle de lui en interview au présent. Il n’a pas l’air d’apprécier non plus ce fantôme qu’il a toisé si longtemps. Le fantôme dont LORN nous parle serait-il encore techniquement vivant ? On en reparlera dans la chronique de "Inverted".

Contrairement à Marcos Ortega, j’aimais mon Papa, mais je parle désormais de lui au passé. Dans ce cas-là il faut prendre son courage à deux mains. Le dernier jour, il ne parlait même plus. Pour ses dernières heures, sa dernière nuit, il fallait bien que quelqu’un lui tienne la main, alors je suis resté auprès de lui. Ses organes avaient lâché les uns après les autres, son foie en particulier. Il était jaune, il regardait le plafond. Ses yeux aussi étaient jaunes, gonflés, vitreux. Dans son agonie, nous lui administrions des "bolus" de morphine. Moi j’aurais plutôt appelé ça des malus. La vie, à la fin, elle s’accroche, c’est pas facile, m’avait prévenue ma tante qui connaissait ce supplice. Elle a bien fait de me prévenir. J’avais envie de hurler. Etouffé dans le liquide qui envahissait peu à peu ses poumons, à remuer les lèvres comme un poisson hors de l’eau. Voilà comment il est finalement parti. Putain de cancer. Je vous avais dit que j’en avais déjà trop vu, j’en ai sûrement trop dit. Vous savez maintenant pourquoi je préfère garder le souvenir des gens quand ils sont encore vivants. Mais si je suis là, à côté de vous quand la fin viendra, je resterais quand même. Même si vos yeux sont jaunes au lieu d’être bleus.

(1)Dessinateur au style parfaitement reconnaissable, responsable de nombreux personnages dans les jeux de la firme Atlus (Persona, Shin Megami Tensei, etc.)

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- Marcos Ortega (musique)
- Crcr (direction, animation)
- Sonlan Tran (production)


1. Ghosst(s)



             



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