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- Style : Helen Merrill

Peggy LEE - Mink Jazz (1963)
Par LE KINGBEE le 4 Mai 2022          Consultée 505 fois

On approche de la fin de l’année, Capitol décide qu’il est temps de publier une énième galette de Peggy LEE. Libre à chacun de se demander si la firme ne confond pas sa chanteuse avec une poule pondeuse, mais il est vrai que Peggy demeure l’une des meilleures vendeuses de Capitol et qu’il faut toujours battre le fer tant qu’il est chaud. Cette fois "Big" Dave Cavanaugh décide d’éditer un album à forte connotation Jazz. En dehors de quelques chansons dédiées à Noël, Capitol estime que Peggy affublée d’un beau col en fourrure avec quelques lumières scintillantes en arrière-plan devrait faire l’affaire. En fait, le titre du disque n’est autre qu’un clin d’œil au col de vison porté par Peggy. Mais dans la réalité, le projet prend un peu de plomb dans l’aile, ce disque se croisant étrangement avec des sessions enregistrées pour les albums "Sugar N Spice" et "I’m A Woman". Au final le producteur devra faire le tri à travers un maelstrom de chansons, même si les différents membres des orchestres sont des accompagnateurs attitrés de Peggy et plus généralement de Capitol.

Ce disque provient de trois sessions captées en février 63 (2 - 5 et 7) qui occasionnent neuf titres. Afin de satisfaire le modèle standard de l’époque, Cavanaugh farfouille dans ses fonds de tiroirs et déniche trois titres enregistrés les 29 et 30 mars 62, soit un an avant, ce qui n’empêche pas de constituer un répertoire alliant l’efficace au subtil.

Comme souvent au début sixties, Broadway constitue une bonne rampe de lancement à défaut d’une grande originalité. C’est ainsi que Peggy reprend "It's A Big Wide Wonderful World", piochée dans "All In Fun", une modeste comédie musicale jouée à Broadway juste avant que le monde s’embrase. Si le morceau ne s’éternise pas avec une durée d’à peine cent secondes, il permet à Peggy de placer sa voix bien emmenée par la trompette de Jack Sheldon. Autre emprunt à Broadway avec "The Lady Is A Tramp", grand succès du prolifique tandem Lorenz Hart/Richard Rodgers figurant dans la comédie "Babes In Arms" ("Place au rythme") avec Judy Garland et Mickey Rooney. Si le titre a été repris à foison, Peggy se montre ici à son avantage sous couvert d’une orchestration patinée d’un soupçon latino via les congas de Francisco Aguabella, tandis que la flûte de Justin Gordon confère un brin de délicatesse. Une version qui nous parait supérieure à celles de Lena Horn ou d’Anita O’DAY. A noter que chez nous, Jacqueline François la chantera avec "La vie mondaine", une adaptation bien ratée comme se fut souvent le cas. Troisième emprunt au septième art avec "Days Of Wine And Roses", tiré du film du même nom du réalisateur Blake Edwards. Si les paroles s’annoncent peu gaies, elle remporta en son temps l’Oscar de la meilleure chanson. Si le morceau s’avère terriblement mou, Peggy Lee maintient une bonne tension dramatique. Une version qui fait oublier les marasmes sonores de Connie Francis, Pat BOONE ou Perry Como. Broadway et Hollywood demeurent involontairement des trames importantes dans le répertoire de Peggy. C’est ainsi qu’elle reprend "I Won’t Dance" issu du film "Roberta" avec Fred Astaire et Ginger Rodgers. Maintes fois reprise, la chanson a fait l’objet d’excellentes versions : Ella Fitzgerald en duo avec Louis Armstrong ou Anita O’DAY. Peggy prend soin de glisser Merci beaucoup locution bien de chez nous, rappelons que le film racontait les déboires d’un orchestre de Jazz se retrouvant en carafe dans notre Capitale. Une version qui efface les essais médiocres du duo Tony Bennett/Lady Gaga. L’affiliation avec Broadway se renforce d’une énième pioche avec "I Could Write A Book", au générique de" Pal Joey" comédie musicale avec Gene Kelly. Si le titre a été repris par une kyrielle de crooners démodés, les bongos de Francisco Aguabella et la flûte de Justin Gordon apportent une louable dose exotique bienvenue.

"Whisper Not", compo du saxophoniste Benny Golson avait fait l’objet de bonnes reprises instrumentales (Stan GETZ, Wes MONTGOMERY ou Oscar Peterson). Le titre a également attiré plus d’une chanteuse, si Anita O’DAY avait délivré une interprétation assez intimiste, Peggy reste dans les clous, mais cette fois c’est le sax de Justin Gordon qui met la chanteuse sur orbite à mi-morceau. On rentre nettement dans le rang avec "My Silent Love", une pièce mollassonne des années 30 de la pianiste Dana Suesse. Le titre repose sur un rythme hyper lent incapable d’émouvoir et Peggy Lee ne parvient pas à vitaminer cette soupe; l'instrumental d'Erroll Garner nous parait plus captivant. Composé spécialement pour la dernière édition de la revue du Cotton Club Parade, "As Long As I Live" *, grand classique du tandem Arlen/Koehler, pourrait être le parfait témoignage à propos du rôle des arrangements et de l’orchestration d’une chanson. En effet quand on écoute la première interprétation de Lena Horne et d’autres issues des décennies suivantes, ce sont essentiellement ces deux concordances qui permettent de différencier le standard. C’est ainsi que Peggy Lee nous en délivre une version figurant dans le haut du panier. Peut être l’une des meilleures versions avec celles d’Anita O’DAY (le Top) ou de Catherine Russell (plus récente). En fait, il ne manque à cette interprétation que le phrasé dynamique et plein de feeling de Kenny BURRELL, constat n’engageant que votre humble chroniqueur. "Cloudy Morning" se révèle être une balade Jazzy extrêmement lente créée par Joseph McCarthy, un homonyme de l’ancien sénateur célèbre pour sa chasse parano aux ennemis de l’intérieur, seul intérêt du morceau, ce qui fait maigre, mais il faut parfois savoir se contenter de peu. Certains auditeurs risquent de voir une corrélation avec Anita O’DAY, Peggy reprenant pas moins de quatre titres préalablement chantés par son ainée dont "I Never Had A Chance", une balade sentimentale Jazzy idéale pour un diner aux chandelles. Autre grand classique en provenance des années 30 avec "Close Your Eyes" ** dans lequel Peggy enveloppe le rythme d’une douceur cotonneuse, alors que Jack Sheldon s’offre encore quelques petites prouesses à la trompette. Une excellente version digne de celles de Doris Day, Queen Latifah ou de l’impayable instrumental du duo Slam STEWART/ Major Holley. Le disque s’achève avec l’unique compo de la chanteuse avec "Where Can I Go Without You" une balade coécrite avec Victor Young au milieu des fifties. Si la chanson connu une seconde vie via les reprises de Nina SIMONE et Dean MARTIN, il faut probablement y voir là un hommage à Victor Young tristement décédé.

Malgré l’affreux col de vison de la pochette, "Mink Jazz" constitue soixante ans après sa sortie un album qui n’a guère vieilli. Si on peut reprocher un manque de prise de risques et peut-être une ou deux balades superflues mais bien dans l’ère de l’époque, Peggy Lee délivre un album comme elle en a sorti par wagon. Si certaines pistes feront l’objet de nombreuses reprises, signalons qu’un bon tiers d’entre elles n’a jamais été égalé, preuve du talent de cette chanteuse malgré une orientation parfois trop smooth ou easy listening. Pour une meilleure cohérence, cette galette sera rangée sur l’étagère du Jazz.



*Titre homonyme à ceux joués par Jerry Lee Lewis, George Jones et du duo Emmylou Harris/ Johnny Cash.
**Titre homonyme à ceux de Chuck Willis, Michael Bublé

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- Peggy Lee (chant)
- John Pisano (guitare 1-4-5-6-7-8-9-11-12)
- Herb Ellis (guitare 2-3-10)
- Al Hendrickson (guitare 2-3-10)
- Max Bennett (basse)
- Stan Levey (batterie 1-4-5-6-7-8-9-11-12)
- Mel Lewis (batterie 2-3-10)
- Francisco Aguabella (bongos, congas 1-4-5-6-7-8-9-11-12)
- Francisco Pozo (congas 2-10)
- Bob Corwin (piano 1-4-5-6-7-8-9-11-12)
- Lou Levy (piano 2-3-10)
- Justin Gordon (saxophone, flûte 1-2-4-5-6-7-8-9-10-11-12)
- Harry Klee (saxophone 3)
- Jack Sheldon (trompette 1-4-5-6-7-8-9-11-12)


1. It's A Big Wide Wonderful World
2. Whisper Not
3. My Silent Love
4. The Lady Is A Tramp
5. Days Of Wine And Roses
6. As Long As I Live
7. I Won't Dance
8. Cloudy Morning
9. I Could Write A Book
10. I Never Had A Chance
11. Close Your Eyes
12. Where Can I Go Without You



             



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