Comme un pincement au coeur. Je ne sais pas vous, mais pour ma part, j'ai toujours du mal à admettre qu'il puisse y avoir une fin à quoi que ce soit. Est-ce la une réminiscence de cette insouciance enfantine, période où la mort n'est encore qu'un concept abstrait, qui décemment ne peut affecter ni soi-même ni ceux que l'on aime. Mais bon, tout se termine paraît-il. Le pot de cette succulente confiture de grand-mère, la bouteille de cet excellent Vouvray, ce dernier regard en arrière avant de rentrer à la maison... Même les carrières des artistes ont une fin. Pour certains de nos rois du folk écossais, la fin est annoncée, à l'image de RUNRIG qui a présenté l'album The Story, publié en 2016, comme son ultime réalisation studio. Dougie MACLEAN n'en est pas encore là, mais le bonhomme à 62 ans, et aura mis sept ans à accoucher de ce nouvel album, même s'il a été occupé entre-temps par plusieurs projets annexes. Mais tout de même, il y a là une certaine rareté, comme si l'artiste commençait volontairement à s'éloigner de nous, à nous habituer de son absence.

Il serait dommage que Dougie s'éclipse, puisque New Tomorrow est sans aucun doute le meilleur album qu'il nous ait proposé depuis près de 15 ans. Alors que les précédents opus du barde écossais s'écoutaient poliment, et ne provoquaient pas vraiment de frissons, ce nouvel opus renoue avec la grande tradition des mélodies percutantes et de la délicatesse flamboyante. Dédié à ses petits enfants (ce sont eux ce "Nouveau lendemain"), New Tomorrow voit Dougie nous proposer une dizaines de ces ballades intimistes dont lui seul à le secret. Les arrangements sont minimalistes. Autour de la guitare acoustique, une section rythmique discrète, une basse ronde ou un synthé mélancolique prennent parfois la parole, mais l'essence de l'album tourne bien autour de ce mariage savoureux entre la six-cordes et la voix chaude du barde qui sait se montrer fragile et désarmant.

"Garden Wall", qui s'étend sur près de six minutes, est la tendresse incarnée. Chaque note de guitare ou de piano semble savamment pesée, calculée pour mettre en valeur ce morceau lancinant, puissant dans sa retenue. Plus énergique, "Shadow Of the Mountain", qui narre l'éruption d'un volcan en Alaska, montre l'autre visage, plus léger, de l'artiste, qui comme à son habitude rend gloire à la puissance de mère Nature. La majeure partie de l'album, néanmoins, est constituée de ces tendres ballades qui décrivent des bonheurs simples, la mélancolie d'un temps passé, le bonheur du partage, la foi en l'avenir. "Wild and Windy Night", sur lequel l'artiste a fait participer ses fans qui oeuvrent aux choeurs, est une sing-along song qui mérite à elle seule que l'on se procure cet album. L'album est moins varié que son prédécesseur, et se voit dénué de références instrumentales à la culture celtique de Dougie, exception faite d'un violon sautillant sur "Thunderbolt". Mais plus "ramassé" que son prédécesseur de 2010, Resolution, il frappe juste et fort, et ne souffre d'aucun temps mort. S'il n'y a pas de titre ultra-fédérateur façon "Caledonia", l'album se déroule tout en enfilant comme des perles les mélodies de grande classe.

New Tomorrow est une preuve de vie, le cri (pas trop bruyant, tout de même) d'un artiste encore capable de proposer de très grandes choses. Il lui aura fallu sept ans, et pourquoi pas. Dougie, nous ne sommes pas si pressés. Avec un patrimoine musical tel que le sien, le bonhomme pourra nous faire attendre 10 ans s'il le souhaite : sa musique est éternelle.