Le XXIe siècle marque le début d'une nouvelle ère pour les Écossais de RUNRIG. Fort d'un nouveau vocaliste en la personne du talentueux Canadien Bruce Guthro, le dernier album du groupe, In Search of Angels, a pourtant reçu un accueil plutôt froid du public et des médias. Mais remonté comme jamais et fidèle à sa réputation d'excellent groupe live, RUNRIG reprend rapidement le dessus en défendant son nouvel album sur scène et en présentant son nouveau chanteur à travers l'Europe. Bénéficiant d'un accueil chaleureux, le groupe publie alors en 2000 son concert en tête d'affiche au célèbre festival Celtic Connections, premier témoignage live de RUNRIG avec Bruce Guthro.

Galvanisé par ce regain de motivation apporté par le chanteur canadien, le groupe décide de battre le fer tant qu'il est chaud et de se remettre rapidement au travail. Moins de deux ans après In Search of Angels paraît donc ce Stamping Ground synonyme d'une inspiration retrouvée et montrant un RUNRIG au sommet de sa forme, le groupe livrant ici rien de moins que la troisième pièce maîtresse de sa discographie, après les indispensables The Highland Connection et The Cutter and the Clan.

Douze morceaux pour presque une heure de musique, et dès le premier d'entre eux, « Book of golden stories », l'auditeur sait pertinemment que RUNRIG va signer-là un grand album. Renouant avec les mélodies légères et organiques qui ont fait son succès, le groupe nous propose en introduction une ballade folk taillée sur mesure pour la voix chaude et emplie d'émotion d'un Bruce Guthro totalement épanoui et auteur de prouesses vocales jusqu'alors insoupçonnées. Une mise en bouche impeccable avant que ne résonne le morceau-titre, « The Stamping Ground ». Fortement influencé par la tradition psalmique gaélique (premier vers chanté puis repris en choeur, etc), le titre débute par un long passage a capella rappelant certains morceaux comme « Fichead Bliadhna » (The Highland Connection) avant que ne résonne un refrain imparable qui voient guitare électrique et acoustique s'entremêler dans une gigue que l'on espère ne jamais voir s'achever, le bonheur contemplatif et béat de l'auditeur atteignant son maximum avec l'intervention de cornemuses dansantes et de cris « tribaux » (manifestation de l'identité nationale écossaise?) en fin de morceau. Témoignant de l'envie d'un retour aux racines, l'album sera ainsi parsemé d'éléments musicaux rappelant une ancienne culture tribale celtique. Que ce soient les percussions de l'excellent « An Sabhal Aig Neill » (dont le rythme répétitif évoque également le travail monotone et contraignant des meuniers écossais) ou encore l'absence totale d'instruments de « The Summer Walkers », chanté entièrement a capella par Bruce Guthro et Rory MacDonald, rappelant une nouvelle fois la transmission orale chère aux peuplades celtiques, nombreux sont les éléments illustrant le retour aux sources d'un RUNRIG donnant l'impression d'avoir suivi une cure de jouvence!

Bien que rendant hommage à son passé, le groupe n'en reste pas moins ancré dans le présent, n'hésitant pas à intégrer des samples électroniques en introduction du très rock « Wall of China/One man » ou se faisant plus atmosphérique avec « Big Songs of Hope and Cheer », préfigurant de l'orientation future du groupe. Néanmoins, RUNRIG livre avec The Stamping Ground un folk rock énervé et mélodique d'obédience celtique dont chacun des morceaux est une bénédiction : l'instrumental très électrique « The engine room », la ballade riche en émotion « One thing », le dansant et rythmé « The Ship », le fédérateur « Oran », nombreux sont les morceaux offrant à cet album le statut de véritable chef-d'oeuvre. Et si l'hétérogénéité maîtrisée et la qualité de l'ensemble font qu'aucun morceau ne sort véritablement du lot, comment ne pas mentionner le titre « Running to the Light » ? Basé sur une rythmique rappelant le souffle d'un être humain au pas de course, l'auditeur jogge à petites foulées pour se fondre dans le son d’un violon plaintif ainsi que de la voix frêle et sensible d'un Rory MacDonald au sommet de son art. Magnifié par la guitare aérienne de Malcolm Jones, « Runing to the light » (« Courir vers la lumière ») ne peut être écouté comme un simple morceau, mais est à la fois un lever de soleil et un rêve d'Icare. Retrouvé dans les débris de la navette Columbia qui se disloqua en 2003 durant son retour dans l'atmosphère, l'album The Stamping Ground, et particulièrement ce morceau, était utilisé par les spationautes comme réveil matin. Une anecdote qui en dit long sur la portée extra-musicale de « Running to the Light », dont le message et les vertus en font tout simplement une des plus belles créations musicales de notre temps.

The Stamping Ground remet enfin RUNRIG sur de bons rails ! Considéré par bon nombre d'amateurs comme l'album ultime du groupe, le onzième opus des Cossais fut unanimement salué par la presse et les fans lors de sa sortie. Le groupe ne parviendra malheureusement pas à réitérer l'exploit, en livrant deux ans plus tard le bien fade Proterra. Toujours est-il que The Stamping Ground reste un album indispensable dans la discographie d'un groupe qui l'est tout autant.