Si la Hollande est l'autre pays du fromage, l'Allemagne peut aisément s'enorgueillir d'être l'autre pays du rock celtique, bon nombre de groupes britanniques et irlandais bénéficiant dans ce pays d'une notoriété parfois supérieure à celle rencontrée chez eux. Certes, nul n'est prophète en son pays, mais tout de même! Car si l'Allemagne préhistorique a sans doute constitué le berceau des civilisations celtiques primitives, comment expliquer l'attrait de ces teutons pour la musique celtique, si ce n'est que cette dernière accompagne parfaitement l'écumage de quelques litres de cet ô combien précieux breuvage à base de houblon dont je tairai le nom ?

Mais si l'Allemagne est une terre d'accueil pour les groupes celtiques d'Outre-Mer du Nord, la scène nationale n'est pas en reste. Allant du celtique le plus traditionnel au Mittel-Alter rock cher à Saltatio Mortis, Schandmaul et In Extremo (mélange de musique metal et d'instruments traditionnels à vocation, il est vrai, de rappeler plus une époque médiévale que celtique), nombreux sont les groupes, chantant dans la langue de Goethe ou de Shakespeare, à trouver un écho certain dans ce pays. Se définissant comme un groupe de « speed folk celtique », FIDDLER'S GREEN est de ceux-ci. Auteur d'un bon pack de douze albums depuis sa création, en 1990, le groupe n'a eu de cesse de tenter (et réussir) à s'établir comme un groupe majeur d'une scène ne manquant pas de représentants.

Célébrant les 20 ans d'existence du combo, Sports Day at Killaloe voit FIDDLER'S GREEN se fendre d'un album bourré jusqu'à la gueule (19 titres tout de même) d'un punk/rock/metal/folk celtique qui, il faut bien le dire, se révèle rapidement comme irrésistible! Groupe multi-facettes, FIDDLER'S GREEN parvient en effet à faire d'un style considéré comme daté par certains un genre totalement contemporain et, finalement, totalement hors du temps. Jouant sur plusieurs tableaux, les six membres du groupe nous ramènent tout d'abord à l'époque bénie des Pogues à travers « Bugger Off », petit brûlot de rock celtique rageur et débridé et qui, grâce à un refrain persistant et littéraire (« Bugger off, Fuck you! »), vient s'imposer comme un titre fédérateur à l'énergie extrêmement communicative. Poursuivant dans une veine folk/punk « à boire » que ne renierait pas un groupe comme Flogging Molly, FIDDLER'S GREEN enchaîne les réussites, avec « Bottom of our glass » et surtout un « Precious Years » joué pied au plancher. Violons, accordéons, percussions, guitares électriques et la voix (dotée d'un excellent accent irlandais) de Ralf Albers s'entrechoquent pour proposer quelques uns des meilleurs titres de speed folk (le terme semble approprié) depuis le début de ce siècle nouveau.

Mais c'est bien lorsque débute dans les enceintes « Sports day Theme », court passage instrumental servant d'introduction à la pièce maîtresse de l'album, « Sporting Day », que Sports Day at Killaloe s'impose comme un album majeur du genre. Épique, bien que d'une durée de seulement 2'30, « Sporting Day », doté de nombreuses variations d'ambiances et cassures de rythme, s'emballe lors d'un break jouissif (sur lequel violon et accordéon s'en donnent à cœur joie) et d'un refrain imparable qui provoquent l'envie irrépressible de chanter à tue-tête cette mélodie rare et précieuse.

Après ce premier quart d'album furieux, le groupe poursuit sur sa lancée, mais prend le soin d'alterner, évitant ainsi de lasser son auditeur, les instruments et les ambiances, intégrant un bodhran par-ci (« Empty pockets, empty fridge »), se la jouant reggae par-là (« Change »), sans jamais que la qualité de ses compositions ne baisse de niveau. Mais même lorsqu'il se frotte à l'adaptation rock de traditionnels écossais, à la manière des Canadiens de Great Big Sea, FIDDLER'S GREEN remporte tous les suffrages : l'imparable triptyque « Bold O'Donahue/This old man/Seven drunken sailors » en est la preuve parfaite : FIDDLER'S GREEN prend un pied d'enfer à revisiter ces classiques oubliés, et le plaisir ressenti à leur écoute n'en est que décuplé!

Mais loin de se cantonner au seul genre de ce speed folk « à boire », le groupe se la joue aussi parfois bien plus sombre et torturé (toutes proportions gardées). « Down by the hillside », sur lequel une guitare électrique affutée vient trancher avec la mélodie acoustique des couplets, s'impose comme une perle de modern-rock celtique. Doté d'un solo faisant successivement la part belle à la guitare électrique, à l'accordéon, puis au violon, ce morceau bien moins festif que le reste de l'album offre une respiration originale et bienvenue. Dans ce même état d'esprit « Apology », qui vient clôturer l'album, tire également son épingle du jeu. Power-ballad torturée mais toujours mélodique malgré son agressivité, ce titre se voit également transcendé par un solo de violon riche en émotions.

Excellent de bout en bout, Sports Day at Killaloe impose définitivement FIDDLER'S GREEN comme un groupe majeur d'un rock celtique en pleine explosion outre-Rhin. Dénue de moment faible, cet album est hautement recommandable à tous les amateurs de ce genre hybride mais ô combien novateur et en constante remise en question. Un indispensable, tout simplement.