Publié un an à peine après le premier album du groupe, Black Sheep marque déjà un tournant majeur dans l'histoire de FIDDLER'S GREEN, puisque cet album voit le groupe mettre en place son speed-folk qui deviendra sa marque de fabrique. Composé entièrement d'enregistrement studios, ce deuxième opus ne permet pas au groupe de se reposer sur l'énergie des prestations live qui se dégageaient de son prédécesseur. Publié sur le propre label du groupe, Deaf Shepherd Records, Black Sheep est un album qui, bien qu'encore tâtonnant, pose des bases solides alors que le groupe gagne en justesse et en précision.

Les Allemands se font encore majoritairement acoustiques, axant leurs compositions sur l'énergie brute dégagée par le violon et l'accordéon. Les guitares électriques prennent néanmoins le pouvoir à plusieurs reprises, comme sur le traditionnel « I won't follow you up to Carlow », qui voit la production rugueuse des guitares se faire porteuse d'une ardeur séduisante. De même, si le groupe se fait plus proche de la scène folk irlandaise, des ambiances punk celtique se dégagent ici et là, comme sur la grivoise « The Blarney Fuck Jig Pack », qui fait la part belle au violon et à la flûte. Ce long titre, majoritairement instrumental, vient renforcer un milieu d'album essentiellement composé de traditionnels (« Irish Airman », « As I roved Out »), dont l'interprétation audacieuse permet d'opérer un dépoussiérage salvateur.

Résolument festif, Black Sheep parvient à sonner plus irlandais que nombre d'albums produits par les artistes de la verte contrée. L'introductif « Too drunk », avec sa rythmique ébouriffante, se fait l'avatar parfait d'un groupe (déjà) décomplexé et maître de son propos. « Black Sheep Rag », avec ses allures de quadrille, constitue l'une des réussites majeures, au même titre que « Stop », qui témoigne d'influences ska encore très présentes dans la musique du groupe. « Connemara », avec ses harmonies vocales sympathiques et son refrain imparable, vient transcender la fin de l'album, tout comme le morceau-titre « Fiddler's Green », pétri d'influences irlandaises, qui traite enfin du sujet de cet outre-monde légendaire, réservé principalement aux marins britanniques, dans lequel la bière coule à flots et où les femmes très accueillantes dansent au son perpétuel d'un violon. Surprenant, de par la présence de choeurs féminins imposants, ce morceau mésestimé constitue l'un des attraits principaux de l'album.

Handicapé par une trop longue durée (l'absence des moins convaincants « Hark » et « London » aurait rendu l'ensemble plus convaincant), Black Sheep voit FIDDLER'S GREEN digérer ses influences et restituer un son à la fois respectueux et novateur. Moins abouti que ses successeurs, cet album reste à conseiller aux curieux à la recherche d'un folk-rock celtique audacieux et n'hésitant pas à s'éloigner des canons du genre.