Nés en novembre 1990, les FIDDLER'S GREEN devaient cette année fêter leur trentième anniversaire. Mais voici qu'un léger impondérable, dont vous avez peut-être entendu parler dans les médias, et venu contrecarrer les ambitieux projets du groupe allemand. Des célébrations initialement prévues, il ne restera qu'un unique concert, donné à huis clos dans le pub irlandais où le groupe a ses habitudes. Voilà, Irlande, le mot est lâché, et fort à propos puisque c'est à ce pays que les punk-folkeux germaniques ont dédié quasiment toute leur carrière. L'Irlande est au cœur de l'identité du groupe. Dans son nom, tout d'abord, le fiddler's green désignant, dans le folklore irlandais, l'équivalent des Champs Elysées ou du pays de cocagne, ce lieu mythologique où se rendent les marins une fois morts. Un lieu où "les pubs seraient légion, où les fiddles ne s'arrêteraient jamais de jouer, où les danseurs ne se lasseraient jamais et où le rhum le tabac et les femmes seraient abondants." Marrant, voici exactement le manifeste du quintet de Erlangen, petite ville située au coeur de la Bavière.

L'Irlande n'est pas qu'une posture, en attestent les nombreux voyages du groupe en verte Eirin, plusieurs clips ayant été tourné dans ce pays. C'est le cas notamment de celui de "Boat on the River", capté dans la splendide région des Lakes of Killarney. Et puis, depuis ses premiers pas en live, le groupe n'a eu de cesse de reprendre des morceaux issus du folklore irlandais, dont certains sont devenus des classiques de son répertoire ("Rocky Road to Dublin", "The Night Pat Murphy Died", "As I Roved Out"...). Pour les FIDDLER'S GREEN, l'Irlande est, depuis 30 ans, au cœur des débats.

Il n'est ainsi pas surprenant de voir fleurir en cette fin d'automne ce 3 Cheers for 30 Years, dont le titre cache à peine le contenu, à savoir 11 reprises de traditionnels irlandais. Un an après le sympathique "Heyday", voici donc que le groupe a décidé de passer à la moulinette 11 reprises de titres issus de la verte contrée, et de les adapter à son style musical autant punk que folk. "Whiskey in the Jar" donne ne ton : les guitares sont lourdes, le tempo ultra-rapide et le mariage entre accordéon et violon accouche de mélodies terriblement sautillantes. Le morceau est balancé à toute allure, et si le pied marque frénétiquement la mesure, il faut bien reconnaître que la volonté de proposer une reprise "in your face" manque quelque peu de nuance et de subtilité. Se faisant carrément metal sur le final, cette reprise est un uppercut sans sommation, l'on aurait aimé que, comme sur la version originale, la violence s'accompagne d'une caresse. Voici un reproche que l'on pourra faire également aux reprises des traditionnels ultra-connus que sont "Auld Lang Syne", "The Wild Rover" ou "Seven Drunken Nights", qui se voient expédiés sans autre forme de procès. Peut-être écrasé par le poids de l'Histoire que trainent ces morceaux, le groupe n'a-t-il pas su comment les adapter, lui qui habituellement fait preuve d'une inventivité sans faille au moment de reprendre des titres traditionnels (écoutez donc "Down" sur l'album Devil's Dozen).

On sent le groupe plus à son aise lorsqu'il se frotte à des titres moins emblématique et moins universellement connus, comme "All for Me Grog", qui fonctionne à merveille, de même que "Haul Away, Joe", mid-tempo d'une puissance redoutable. Le constat précédemment formulé s'applique également aux ballades. On sent du respect et de l'envie de bien faire sur "The Galway Girl", mais il y a ici une timidité inédite, comme le poids de la célébrité, qui verrouille un peu l'ensemble et empêche de prendre pleinement son pied à l'écoute de cette reprise. On lui préfèrera la relecture acoustique de l'ultra-célèbre "Wild Mountain Thyme" ou celle, plus nuancée, de "Greensleeves".

Avec 30 ans de carrière au compteur, il est évident qu'n ne va pas apprendre à FIDDLER'S GREEN comment faire de bonnes reprises, lui qui pratique l'exercice avec parcimonie mais toujours avec respect et inventivité. En proposant cet album intégralement constitué de classiques irlandais, le groupe a néanmoins eu peut-être les yeux plus gros que le ventre, proposant parfois des arrangements manquant de subtilité, et pouvant sembler pataud dans ses choix. Le charisme naturel du groupe fonctionne, et la puissance couplée à la virtuosité des instruments tradis permet à l'ensemble de fonctionner, sans trop d'efforts. Mais il manque ce petit plus pour faire de ce 3 Cheers for 30 Years autre chose qu'un petit cadeau d'anniversaire qui, a priori, ne fera pas date dans la belle discographie du groupe.