En 1974, Suite Gallaise donne enfin une descendance digne de ce nom au premier album des TRI YANN. Le groupe toujours constitué de ses 4 pionniers repart pour un album dédié au pays Gallo. Autrement baptisée Bretagne Gallaise, la partie est de la Bretagne subissait à l'époque du 'renouveau celtique' quelques discriminations culturelles, puisque le breton n'y est pas pratiqué et que son patrimoine musical est malheureusement pour elle en bon vieux français. Les TRI YANN ont donc décidé de dédier leur troisième recueil aux chansons de cette région (et non au pays de Galles) à quelques titres près.

L'album est donc une fois de plus constitué de morceaux traditionnels auxquels les TRI YANN ont fait quelques ajustements. A l'image du dernier titre, "La chanson des Commères", qui à l'origine était xénophobe (et québécoise, mais rassurez-vous, il y a bien des chansons du pays Gallo) et dont ils ont tourné les paroles de façon ironique. D'ailleurs, si on n'y prête pas attention, il faut avouer que certaines phrases sorties de leur contexte peuvent choquer. Vous êtes donc prévenus. Contrairement à leurs albums suivants, on retrouve un cocktail très traditionnel dont les arrangements restent discrets et peu modernes.

L'album se partage entre morceaux dansants très entraînants ("Lundi Mardi Danse", "Suite du Pays gallo") et morceaux plus calmes, à l'image de "Complainte de la Blanche Biche" mettant plus l'accent sur les paroles. La seule réelle distinction que l'on peut faire par rapport aux albums précédents, c'est la présence plus importante du banjo, assuré par Jean Chocun. La répartitions des lignes de chants, entre Jean-Louis Jossic et Jean-Paul Corbineau est également mieux appuyée. La production quant à elle, enfin 'claire', présente à leur avantage nos protagonistes nantais, l'album ne souffre pas aujourd'hui de son âge avancé.

Suite Gallaise est porté vers le haut par l'un des titres phare du groupe, à savoir "Pelot d'Hennebont", un de leur grands classiques, que distinguent une ligne de chant très accrocheuse (là encore, du Kan a diskan, tout est fait pour retenir les paroles le plus rapidement possible) et surtout une densité assez impressionnante dans les instruments utilisés. On a donc le droit à un couple guitare sèche/banjo bientôt rejoint par un violon. Ceux-ci laissent place le moment venu à un dialogue de binious percutant qui refait une apparition en fin du morceau. TRI YANN laisse là entrevoir qu'il va leur falloir être plus de quatre pour assurer sur scène la densité instrumentale qui sera bientôt leur marque de fabrique.

C'est peut-être objectivement le meilleur album de la première période 'traditionnelle' de TRI YANN. Toutefois, il est peu inventif et ne surprend pas autant que An Naoned, même si l'ensemble des morceaux est bon et qu'on ne déplore aucun mauvais titre. On ne retrouve pas l'aspect 'comptines' et les musiciens semblent être à leur aise dans leur exercice, ce qui va bientôt leur permettre quelques innovations. Le meilleur reste donc à venir pour ce groupe encore jeune. Suite Gallaise reste tout de même une acquisition de qualité certaine, pour qui connaît déjà le groupe.