TRI YANN, le plus ancien groupe 'français' encore en activité, le groupe celte le plus fantastique, le meilleur sans doute, parfois ralenti, jamais arrêté, jamais détrôné.

Cinq ans qu'on l'attendait, ce nouvel album ! Et dès l'annonce de la sortie, le 15 avril, on se sentait fébrile à la vision de la pochette et d'un titre aussi fort, La Belle Enchantée. Cela promettait un rendez-vous en grande pompe avec les Nantais pour de nouvelles aventures exquises et haletantes. Une fois de plus, TRI YANN n'a pas menti, bien au contraire. La Belle Enchantée est le digne successeur de Rummadoù, d'Abysses, du Pélégrin, les joyaux produits depuis l'an 2000 par le même effectif, l'une des formations les plus solides qui soient.

D'abord, il y a la joie de l'achat, par (pré-)commande Internet, au vu des difficultés de se procurer l'album en magasin. Foi de disquaire, on râle, on rage, on fulmine. Si la Bretagne n'a que trois représentants au rayon CD, même en Provence, ce sont Alan STIVELL, Dan AR BRAZ et TRI YANN. Au moins eux, quoi ! Et ce n'est pas comme si ça ne devait pas se vendre ! Bref.

Deuxième étape, le livret. Tout beau, tout blanc, avec cette pochette si simple et 'caressante'. Les paroles, quelques crédits et des notes aussi généreuses que les mains qui les ont écrites, et dont on sait à qui elles appartiennent ! C'est comme les chansons : peu de tradition pure, quasiment tout provient d'eux. Par Bélénos ! Il est grand temps de passer à la troisième étape.

À la troisième chanson, avant même, on a déjà envie de se fondre d'une bafouille dithyrambique concernant le disque. Surtout que TRI YANN est une valeur tellement sûre que l'impression au moment de la découverte est rarement autre chose que la bonne : si par exemple Marines a pu décevoir sans jamais s'illustrer davantage, tous les autres qu'on a aimés, eh bien... on a continué à les aimer, à les chérir. À l'image de Rummadoù, on retrouve un son dense, générateur d'ambiances qui suscite l'attention la plus grande et l'envie d'y revenir aussi souvent que possible.

Pourtant, La Belle Enchantée se rapproche davantage d'Abysses par son format et le choix d'un titre pop-électro celtique au tempo enlevé en guise d'ouverture. Comment ne pas fondre à l'écoute de "Far Away From Skye" ? Pour la première fois, Jean Chocun prend d'abord la parole et les deux autres Jean se réservent un couplet, les refrains permettant des retrouvailles entre les trois. Konan Mével est fort de ses expériences auprès de KOHANN et SKILDA en termes d'électronique, tandis que le producteur Pascal Mandin colore le son avec luxure, une constante sur le disque. On vole le long du littoral écossais jusqu'en Cornouailles, on effleure les vagues.

En un rien de temps, les Nantais nous font passer de la gavotte des montagnes et des 'rêves' au chant liturgique de "Sant Efflamm Hag ar Roue Arzur", "le combat du roi Arthur contre le dragon". On note l'orgue de Freddy Bourgeois, également sur "L'ermite et le Connétable", avec des réminiscences de l'album Urba (1978). On pense aussi, pour ce dernier morceau, à "Korydwen et le Rouge de Kenholl" pour la densité. "The Velvet Otter", instrumental aérien, nous transporte aux confins de l'Irlande battue par les vents et au rythme des légendes, batterie, whistles et violons toutes voiles dehors.

Les TRI YANN restent de grands enchanteurs et de formidables conteurs. Sur fond de mandoloncelle par Gérard Goron et de mélodies lyriques à la guitare électrique par Jean-Luc Chevalier, après avoir suivi Aliénor d'Aquitaine durant la deuxième croisade, on assiste au combat entre un simple ménétrier/musicien et le spectre de la mort, l'Ankou, dont l'issue est heureuse. Avec malice, Jean-Paul Corbineau décrit une scène de séduction dans le palais d'un rajah indien, et sur "La Femme au Courti", Jean-Louis Jossic parvient à nous faire apprécier Auto-Tune, cet effet vocal diabolique, ce fléau qui gangrène les chanteurs actuels en général. On parle de TRI YANN, les meilleurs.

Et le tout de se conclure sur un nouvel hymne merveilleux, après "L'Eden des Mers", après "Glen Glas". Jean-Paul Corbineau chante accompagné du bagad de Saint-Nazaire, la larme monte aux yeux. Simple fantasme ou promesse d'amour éternel, "La Belle Enchantée" est le cri du romantique. Parce que pour lui et ses semblables, il y a toujours celle qu'il voit comme sa "belle enchantée", près de lui ou, au contraire, loin. Celle qu'il désire, tout en s'offrant lui-même sans réserve. Celle qui, peut-être, quelque part, rêve aussi, à sa façon et en écoutant le dernier album de TRI YANN.

Ce dernier album plein de magie, qui émeut, étonne, fait que, même si le temps passe et qu'un jour il faudra faire face à la réalité, TRI YANN est là et le restera dans nos coeurs, sauf si on l'oublie. Mais c'est comme la belle enchantée que l'on a rencontrée, on ne l'oubliera pas.