On a fermé le café du bon coin ! J'ai bien cherché dans les pages jaunes, on y trouve bien la rue Baron à Nantes, qui fait l'angle, mais le café n'y est plus. Ne vous y trompez pas, il existe un autre café 'Au bon coin', mais c'est une imposture ! Le 'café du bon coin' n'existe plus qu'au travers de la musique, dans laquelle les TRI YANN ont gravé de lettres blanches sur fond rouge, à jamais, le nom de ce petit bar de quartier nantais.

Un petit bar, pourtant, ça n'a souvent rien d'exceptionnel. On y trouve quelques perdus, des piliers de comptoir, des gens qui y entrent par hasard, des philosophes du dimanche, des gens du quartier, un vieux flipper qui n'a pas servi depuis 10 ans et peut-être des amis de longue date. C'est ce genre d'endroit anodin que TRI YANN a voulu imprimer sur disque, et comme l'entonne en choeur et en canon leur chanson à boire L'eau ne fait rien que pourrir le poumon. [...] Vide-nous ce verre, et nous le remplirons!

7ème album des TRI YANN, Café du Bon Coin se différencie par une chose : c'est un excellent album, point. Une touche rock plus prononcée, en témoigne le riff d'entrée des "Programmeurs", l'ambiance irlandaise approfondie de "Irish Dances", "O'carolan's Devotion" ou "Irish Coffee - Abigail Judge" et surtout, de superbes soli de guitare, notamment ceux des "Chevaux du Méné-Bré". Lesquels soli sont à l'image de ceux d'An Heol A Zo Glaz, très inspirés par David Gilmour, l'un des célébrissimes guitaristes de PINK FLOYD.

Ce sont les passages instrumentaux qui font de ce disque un superbe album, où TRI YANN mélange avec maturité instruments modernes et traditionnels, bien mieux que ne sauront jamais le faire nombre de leurs contemporains bretons. Alors certes, on peut reprocher quelques coups de tambour synthétique et quelques sons sortant tout droit des sessions studios abyssales des années 80, mais c'est bien peu de chose comparé au talent d'adaptation et de composition dont font preuve les TRI YANN sur cet album.

Cerise sur le gâteau, ils nous livrent quelques-unes des plus belles balades qu'ils ont composées et arrangées, ainsi "La ville que j'ai tant aimée" ajoute un autre hit incontournable au répertoire du groupe, la "complainte de Yuna Madalen" n'étant pas en reste pour autant.

Alors que dire de plus, TRI YANN ponctue une fois de plus sa discographie d'un superbe album, mais clôt en même temps sa période faste, la première tout du moins. La mode des sons Bontempi provoquera un désintérêt du public pour des choses plus traditionnelles, TRI YANN ne fera pas exception malheureusement. En attendant, dégustons notre verre de cidre (on va faire léger cette fois-ci) et ne boudons pas notre plaisir, Café du Bon Coin est sans conteste l'un des meilleurs albums du trio (enfin sixtète en l'an de grâce 1983) nantais, malgré sa petite ride au coin de l'œil qui, en définitive, lui donne tout son charme.