En 1982, les MISFITS connaissent un succès grandissant sur la scène punk américaine, succès dont la sortie tardive de leur premier LP Walk Among Us sera le point culminant. Les concerts du groupe du New Jersey deviennent alors de plus en plus violents, à tel point que les MISFITS en viennent parfois aux mains avec leur public. Une anecdote fameuse rapporte ainsi que Doyle aurait un jour fracassé sa guitare sur la tête d'un spectateur qui aurait eu le malheur de couper le son dans ses retours. Le line-up des MISFITS originaux, plus ou moins stabilisé fin 1980 par l'arrivée de Doyle, va pourtant connaître quelques ultimes soubresauts quelques mois avant sa séparation définitive. Le batteur Arthur Googy est ainsi viré manu militari du groupe par Glenn Danzig durant le mois d'avril 1982 suite à une cocasse affaire de cheeseburger. C'est finalement Henry Rollins (BLACK FLAG), grand fan et ami des MISFITS, qui trouvera la solution en suggérant à Danzig d'engager son ancien batteur Robo, tout juste débarqué du Drapeau Noir.

L'arrivée de Robo au sein des MISFITS coïncide comme par hasard avec le choix de Glenn Danzig d'orienter son groupe vers un punk résolument plus hardcore que celui pratiqué jusqu'à présent par nos petits gars du New Jersey. C'est durant la fin de l'année 1982 que les MISFITS commencent enfin à enregistrer le successeur de Walk Among Us, qui devait à l'origine être un simple EP : Earth A.D. Mais Glenn Danzig étant connu pour son légendaire perfectionnisme, le projet sera retardé et les MISFITS ne retourneront en studio qu'à l'été 1983 pour bosser sur un autre projet d'EP, Wolfs Blood. Parallèlement, Glenn Danzig commence à se lasser des MISFITS, considérant que le groupe se dirige vers une impasse. L'orientation hardcore très agressive des nouvelles compositions en est d'ailleurs un premier signe qui ne trompe pas : le charismatique frontman aspire à d'autres horizons, plus métalliques et plus violents. C'est à cette période que naît l'idée du projet parallèle SAMHAIN, que Glenn Danzig va commencer à mettre sur pied durant l'année 1983 en compagnie de son ami Eerie Von.

Probablement dans le but d'accorder une dernière chance à son premier groupe, Glenn Danzig demande aux MISFITS d'enregistrer deux chansons initialement prévues pour SAMHAIN, "Bloodfeast" et "Death Comes Ripping". La différence de son s'en ressent fortement : très glauques et très violentes, ces deux compos ne correspondent pas réellement au "son" traditionnel des MISFITS. Néanmoins elles sont assez proches de cet "horror hardcore" très novateur vers lequel les MISFITS originaux tendaient à s'orienter durant leurs derniers mois d'existence. Les tensions internes devenant insurmontables, les MISFITS finissent pourtant par se séparer en octobre 1983 et Glenn Danzig se consacrera désormais uniquement à SAMHAIN. Histoire de conclure en beauté, Danzig compile alors les deux EPs Earth A.D. et Wolfs Blood sur les deux faces d'un seul LP, donnant ainsi naissance au deuxième et dernier LP studio officiel des MISFITS originaux. Malheureusement, cet album sera posthume : quand Earth A.D./Wolfs Blood sort dans les bacs en décembre 1983, les MISFITS n'existent déjà plus depuis deux mois.

La chanson d'introduction éponyme nous fait directement prendre conscience du changement de cap voulu par Glenn Danzig à cette époque. Nom d'un Crimson Ghost, qu'est ce que c'est brutal ! Et la suite de cet opus est du même acabit, à savoir une succession de poings dans la gueule sévères et sans pitié. "Queen Wasp" rappelle les efforts les plus speed de GBH, à grands coups de guitares tronçonneuses et de rythmiques bulldozer. "Devilock" semble hésiter entre le son des premiers BLACK FLAG et des riffs qui évoquent les moments les plus intransigeants des BAD BRAINS. "Green Hell" passera pour sa part à la postérité en 1987 en étant reprise par METALLICA sur son sympathique EP de reprises Garage Days Re-Revisted. Et ce n'est que justice, car il s'agit de l'un des meilleurs titres de l'album. DISCHARGE n'est clairement pas loin sur "Death Comes Ripping", "Wolfs Blood" ou encore "Demonomania" : les guitares s'y font réellement monstrueuses et quasiment thermo-nucléaires. Les choeurs, élément caractéristique du son "classique" des MISFITS semblent avoir quasiment disparus. Tout au plus font ils quelques timides apparitions sur certains passages de l'album. Du reste, ça tabasse à tous les coins de vinyle, l'album est une vraie boucherie. On a finalement bien du mal à émerger fasse à tant de violence crue et malsaine.

Alors oui, c'est un avis définitif : Earth A.D. des MISFITS est l'un des meilleurs disques de punk hardcore sortis aux USA durant les années 1980. Sombre, noir, gras, c'est un vrai chef d'oeuvre du genre, raffiné et puissant, quasiment dénué du moindre défaut. On pourrait seulement lui reprocher d'être trop court (moins de 15 minutes !!), mais on lui pardonnera aisément vu l'excellence atteinte ici. Bien qu'il soit loin d'être le dernier LP studio sorti sous le "nom" MISFITS, Earth A.D./Wolfs Blood peut néanmoins être considéré comme le dernier album des MISFITS "historiques". Dans les années 1990, Jerry Only obtient ainsi légalement le droit d'utiliser le nom "MISFITS" et met alors sur pied divers line-ups à la légitimité sans cesse fluctuante. Mais ça, c'est une autre histoire...