De nos jours, certains critiques ont tendance à considérer la période 1973-1978 comme l'âge d'or de CHRISTOPHE. Ce n'est pas faux, dans le sens où les albums studio sortis par le chanteur dans cet intervalle sont pour le moins de très haute facture – sans parler du live à l'Olympia. Cependant, il convient parfois de tempérer l'enthousiasme généré par cette partie de son oeuvre, notamment en ce qui concerne Samouraï.

Sorti en 1976, Samouraï constitue à la fois une continuité et une rupture. Continuité car les mêmes musiciens présents auparavant sont convoqués, et rupture dans le style et les paroles. En effet, CHRISTOPHE atténue ses influences américaines, et doit également souffrir le départ de Jean-Michel JARRE. Ce dernier, mécontent du manque de reconnaissance à son égard, met les voiles et laisse sa place au vétéran Boris Bergman. Paradoxalement, l'arrivée de Bergman n'est pas franchement rassurante, le bonhomme étant plus réputé pour sa contribution à la variété française pas forcément de haut niveau.

Qu'on se le dise cependant : si Samouraï est un album en fin de compte moyen, ce n'est pas (totalement) de la faute du parolier. CHRISTOPHE réalise ici un album rempli d'idées, mais qui ne parvient pas à être satisfaisant. Le souci se pose en fait dès le morceau éponyme en ouverture de l'album. La musique est charmante mais pas impérissable, et puis la partie vocale... Le chanteur en fait des tonnes sur un texte aux métaphores douteuses, surtout dans la première partie de la chanson. La seconde fait basculer la ballade en petit rock'n'roll des familles tout aussi anecdotique. Le reste de la face A fait mieux, mais de pas beaucoup. "Merci John d'être venu" a le mérite de faire rire, avec cette histoire de mariage chamboulé par les BEATLES, et où l'assistance voit LENNON partir avec la mariée. Quant à "Paumé", elle voit CHRISTOPHE repartir en fait dans une variété bateau, ni bonne ni mauvaise, en tout cas pas marquante du tout. En revanche, "Tant pis si j'en oublie" est profondément inutile : ânonner de manière aussi bête des artistes ne fonctionne en rien et passe pour du remplissage radical.

C'est sur la face B que les choses s'emballent. En effet, voilà que s'y trouve la suite "Pour que demain ta vie soit moins moche", longue de 11 minutes, découpées en 3 parties distinctes. Certes, c'est autre chose que "Le dernier des Bevilacqua" ou "Les paradis perdus", mais pour être franc, les enchaînements au sein même des parties, ainsi que les ambiances sonores et même les paroles témoignent d'une sensibilité à toute épreuve. Il est juste dommage qu'il n'y ait pas de passages pleinement enthousiasmants, comme si CHRISTOPHE et Bergman échouaient à être catchy ou du moins percutants. Mais ça reste toujours mieux que "Le cimetière des baleines", une espèce de délire final qui, dans un autre contexte, serait mieux passé. Là, il succède à une suite épique et romantique, ce qui casse pleinement la magie.

Samouraï est un album que l'on s'interdit de qualifier de raté. CHRISTOPHE n'a plus sorti de déchet depuis un moment, et ce n'est a priori pas demain la veille. Tout de même, il ne serait pas hérétique de classer l'album comme étant mineur, en plus d'être sacrément court (29 minutes). À la rigueur, il peut s'imposer pour la suite "Pour que demain ta vie soit moins moche", mais c'est tout.