Après un départ canon au milieu des années 60 avec l'enchaînement de tubes yéyé marquants (bon, surtout "Aline" et "Les marionnettes", en fait), CHRISTOPHE se met à ralentir sa carrière de chanteur à la fin de la décennie. Une trajectoire normale pour une gloire de la variété française d'époque, et la route vers l'oubli. Sauf qu'après avoir traîné ses guêtres un peu partout, il reprend le chemin des studios pour une nouvelle partie de carrière qui, a posteriori, sera remarquablement bonne, voire géniale pour certains.

En attendant, CHRISTOPHE commence sa mutation en 1972-1973. Physiquement, le minet générique est devenu le fameux chanteur à la moustache aussi emblématique que celle (rip) qu'arborait Francis CABREL, le rendant ainsi aisément identifiable. Musicalement ensuite, le dernier des Bevilacqua enregistre de nouvelles compositions en faisant notamment appel à tout un parterre d'auteurs tandis que lui s'occupe de la musique. Parmi eux, on trouve notamment Étienne Roda-Gil, fameux aide de camp de Julien CLERC, sur deux chansons. Ce petit monde est donc présent pour collaborer au nouveau départ de CHRISTOPHE.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'album est clairement un disque de transition. En effet, on navigue toujours dans les eaux de la variété française pas vraiment haut de gamme. Cependant, une recherche musicale plus approfondie apparaît ici, dénotant clairement une hausse du niveau général.
Cela dit, à première vue, ce n'est pas le cas. Les choses commencent même de manière terriblement plate avec "Main dans la main", une ballade vraiment quelconque, ne pouvant trouver sa place que dans le fond du panier de Chérie FM.
Un début pas très glorieux donc, mais largement rattrapé par "La petite fille du troisième". C'est là que les choses sérieuses commencent, avec un CHRISTOPHE complètement investi dans une interprétation intense et particulièrement captivante. S'agit-il là d'un nouveau classique du chanteur ? Si ce n'est pas le cas, on n'en est pas loin en tout cas. À cette petite pépite, succède "Mère, tu es la seule" qui réussit l'exploit de croiser variété française intéressante et folie rock (le solo de guitare final !), le tout sur des paroles poignantes. Pour le coup, il est vraiment dommage que cette chanson ne soit pas plus connue de nos jours.
Plus loin, "Good bye, je reviendrai" brille également par ses paroles avec en plus l'avantage d'avoir une musique bien plus prenante et un chant charmant.

Le reste n'est pas nul, mais semble bien terne. Enfin, en ce qui concerne "Nue comme la mer", cela n'engage peut-être que moi, mais le refrain assez tendancieux ne plaide pas en sa faveur. Dans le même style musical, "Oh ! mon amour" est un poil plus intéressant, mais ça reste du domaine du plaisir coupable. "Fait chaud ce soir" et "Mes passagères" témoignent certes de l'amour de CHRISTOPHE pour la musique anglo-saxonne, mais pour le moment, ce n'est pas la folie. Quant aux contributions de Roda-Gil, elles sont inégales : "Mal" est ennuyeuse comme la pluie, là où "Épouvantail" conclut le disque avec des tons typiquement américains et des paroles qui se tiennent.

Avec un tel album, CHRISTOPHE se remet dans le bain sans faire de grosses étincelles. Avec ses meilleures chansons, il démontre un talent redoutable, capable d'allier musique intéressante et interprétation vocale convaincante. Mais c'est déjà pas mal pour un nouveau départ doublé d'un album de transition, la marge d'amélioration est encore considérable.