Voguant sans prise de tête dans les années 70, KRAAN sort en 1977 son 5ème album studio, Wiederhören. Un album qui a le mérite d'avoir une pochette potable, ce qui change de presque toutes les précédentes du groupe. C'est aussi une pochette instructive quant à l'état des troupes, puisque seuls quatre musiciens sont présents. Damned, quelqu'un est donc parti depuis Let it Out (1975) ? Oui, et pas des moindres puisque le souffleur Johannes Pappert n'est plus de la partie. KRAAN se focalise sur une formation standard, avec les claviers d'Ingo Bischof qui vont fatalement prendre plus de place – et aussi Tommy Goldschimdt qui vient squatter avec ses congas sur trois morceaux. C'est également l'heure de changer de maison de disque, KRAAN passant de Spiegelei à Harvest, fameux label anglais de rock progressif.

Musicalement, malgré le départ de Pappert, KRAAN reste dans la même veine que son prédécesseur, à savoir celle d'un jazz-rock animé et véloce. À la différence près que le groupe se focalise plus sur une musique instrumentale propice à d'heureux débordements. Je pense bien entendu à "Vollgas Ahoi" en écrivant cela. Une nouvelle fois, KRAAN se déchaîne à loisir sur ce qu'il sait faire de mieux : un instrumental enfiévré et dansant. C'est même limite si l'on n'a pas le temps de respirer tant "Vollgas Ahoi" fonce à une vitesse folle tout en étant riche de passages remarquablement bons.

Comme on pouvait l'espérer, "Vollgas Ahoi" n'est pas le seul morceau à vraiment retenir de Wiederhören, bien qu'il surclasse tout le monde sur la galette. "Rund um die Uhr" en est certes une version plus bordélique mais heureusement plus courte, mais ne s'écoute pas avec déplaisir. Et à la suite de "Vollgas Ahoi", "Silky Way" permet de décélérer convenablement le rythme afin de ménager l'auditeur, et ça marche indéniablement. Plus loin, le morceau-titre ferme la marche en se présentant comme une nouvelle improvisation dotée d'un sens du groove assez particulier mais néanmoins appréciable. Son positionnement en tant que conclusion laisse toutefois perplexe, "Silky Way" aurait justement mieux fait l'affaire.

Il y a du bon sur Wiederhören, mais aussi pas mal de passages qui, sans justifier le dédain envers un disque d'un groupe de krautrock sorti en 1977, dénotent négativement. Les deux vraies chansons, par exemple, démontrent que KRAAN est alors plus en phase avec le rock instrumental improvisé qu'une musique proche de la pop. "Just one Way" possède un pont instrumental intéressant, et les claviers de Bischof restent fort pertinents à défaut d'être de première qualité, mais les passages chantés n'étaient vraiment pas nécessaires. "Let's Take a Ride" souffre pour sa part d'un mix des plus douteux, offrant au final un morceau un peu lourd à écouter. Mais si les morceaux vocaux sont durs à avaler, tout ce qui est instrumental n'est pas nécessairement bon. "Rendez-Vous in Blue" traîne en longueur, et en dehors de quelques soli démonstratifs, il n'y a pas grand-chose à se mettre sous la dent.

Qu'on ne s'y trompe pas : Wiederhören est un bon album. Le plaisir de l'écoute n'est en aucun cas feint, et KRAAN n'a toujours pas pondu un opus de la honte. Il est toutefois légitime de déjà penser que les meilleures années de KRAAN sont passées et qu'il va être franchement dur de faire au moins aussi bien qu'auparavant. Un vœu tout de même loin d'être pieux, tant le groupe en a encore sous la pédale.