Le retour du grand KRAAN à la fin des années 80 a été globalement une réussite, comme en témoigne le live paru en 1988. Des musiciens en forme et contents de se retrouver, un nouveau venu (le trompettiste Joo Kraus) qui s'intègre à merveille à la formation, un public qui répond présent pour écouter les classiques sur scène... bref, tout est prêt pour la véritable phase d'un retour musical, à savoir un nouvel album studio. Il faudra attendre 1989 pour retrouver KRAAN dans les bacs. Et pour son 12e disque, le quintette nous montre qu'il a... la banane. Oui, ça paraît évident avec la pochette signé Hellmut Hattler qu'on peut considérer meilleur dans cet art que son compère Peter Wolbrandt.

Dancing in the Shade, ceci étant, était déjà annoncé dans Live 88 où se trouvait "Favorite Land", un morceau signé Wolbrandt et qui partait dans un pop-rock énergique et dans l'air du temps. Dans l'opus de 1990, c'est exactement ce à quoi on a affaire, la propreté du travail en studio en plus. Le début part d'ailleurs en fanfare, avec l'enchaînement "Rockets"/"Good Enough". Le premier est une ouverture féroce et en bonne partie instrumentale, se payant le luxe de posséder un solo de trompette pas chiant du tout; et le second brille par une structure pop basique à mort mais qui perce grâce à une musique entraînante et une écriture captivante. On prend même un plaisir certain à entendre Wolbrandt chanter ! Plus loin cependant, si la chanson-titre possède un refrain aux accents reggae assez cool, et bien, c'est tout ce qu'elle a. Littéralement. Quant à "Is This the Way", disons que c'est une chanson agréable à écouter, mais loin d'être la plus marquante au sein de la discographie de KRAAN, et "Soldier Drums" est un poil trop long mais se tient bien en conclusion de l'album.

Et donc, on a déjà fait le tour des chansons. Car Dancing in the Shade est majoritairement composé d'instrumentaux. Et des bons, en plus. En même temps, il s'agit de KRAAN qui utilise ses diverses influences exotiques pour composer sa musique. Bon, niveau géographie on repassera pour "Egyptian Cha Cha", le côté « pyramides de Gizeh » et tout le toutim m'échappant avec cette musique latine, mais le morceau, mettant bien en valeur Joo Kraus, reste de très grande qualité. KRAAN reste en forme en restant dans le monde arabe avec "Middle East Beat", un grand morceau où Joo Kraus se fait plaisir en imitant avec brio (mais pas perfection, nuance) ces fameuses flûtes qu'utilisent les charmeurs de serpents. Plus surprenant, KRAAN tente l'ambiance solennelle et inquiétante à la fois avec "One Day", mais le résultat est assez risible. On dirait que le groupe tente d'imiter grossièrement VANGELIS période Mask (1985). Fort heureusement, pour rattraper le coup, on a aussi "Polarity" qui n'aurait pas détoné dans Wiederhören (1977), et qui titille un peu le fan de KRAAN connaissant le groupe depuis ses débuts.

Dancing in the Shade est un bon album studio qui affiche un KRAAN ayant retrouvé des couleurs (bon, ça on le savait depuis un moment) et encore capable d'impressionner en studio. Le groupe aligne même quatre grands morceaux en début d'album, ce n'est pas rien. L'album reste néanmoins assez hétérogène en terme de qualité, même si le meilleur ne côtoie pas à proprement parler le pire. On peut également regretter l'absence de jams déjantés comme KRAAN en était coutumier une quinzaine d'années plus tôt, mais il y avait tellement moyen de faire bien pire qu'on passe l'éponge sans froncer des sourcils. Un bon retour, donc.