Mine de rien, KRAAN continue de vivre sa vie à un bon rythme lorsqu'il attaque les années 80. Déjà fort d'un deuxième album live (bien que capté en 1979, mais ne chipotons pas), le quatuor sort en 1982 son neuvième album et septième studio, j'ai nommé Nachtfahrt. Un quatuor qui au passage a encore changé. En effet, Udo Dahmen a mis les voiles lui aussi, et il est remplacé par Gerry Brown, un batteur au palmarès déjà bien étoffé (John Lee, Stanley Clarke, Chick Corea) et donc premier musicien non-allemand du groupe. Mais surprise, Jan Fride, le membre emblématique du groupe, revient également. Enfin, juste le temps de trois morceaux, en début de face à chaque fois.

Tiens, le début de Nachtfahrt, parlons-en. C'est qu'on a envie de croire à un album de qualité – non pas que Flyday (1978) soit mauvais, mais il pouvait très bien annoncer le pire à venir. Et puis, "Wintruper Echo", une référence directe à l'opus de 1973, ça sent la bonne affaire. Spoiler : "Wintruper Echo" est une agréable surprise. Pour faire simple, c'est un instrumental à la rythmique très proche du fameux motorik à la NEU! (si ça n'en est pas), agrémenté de guitares acérées et de quelques synthés pas moches du tout. Oui, le vol de nuit s'annonce fort bien. Et puis, on tombe sur "Faust 2000". Y'a pas que le batteur qui change, la teneur musicale aussi. On se rappelle que Flyday approchait la pop avec une certaine intégrité artistique propre à KRAAN, et 4 ans plus tard, le voilà en plein dedans, et pas de la plus belle des manières. En effet, il faut s'accrocher pour supporter les synthés cette fois ringards d'Ingo Bischof, le chant de Wolbrandt et la bonne vieille batterie en plastoc.

Bon, en vrai "Faust 2000" n'est pas trop représentatif du son de Nachtfahrt – et "Wintruper Echo" non plus d'ailleurs. La teneur générale est plutôt une pop se voulant moderne et plaisante au plus grand nombre. Un calcul risqué, qui peut s'avérer être une terrible catastrophe. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la majeure partie de la face B est pour ainsi dire franchement décevante : "Viel Zu Hass" est décousu et erratique, "Normal" est pour ainsi dire risible en plus d'avoir une batterie désagréable, et si les musiciens offrent un jeu intéressant sur "Paper Stars", ce dernier est mis au service d'une pop certes engagée, mais aussi oubliable.

Nachtfahrt reste pourtant un album qui n'est pas mauvais. Preuve : l'écoute du morceau-titre, une épopée de six minutes qui certes sent la démonstration technique par moments, mais reste prenante. Les soli de Wolbrandt y restent toujours aussi bons à écouter, d'ailleurs. "Luna Park" (sans doute une référence au parc d'attractions) termine l'album dans une osmose musicale qui a le mérite d'être plaisante. Et de manière générale, on ne s'emmerde pas vraiment, même sur les mauvais morceaux cités plus haut. Cependant, il faut bien avouer que "Wintruper Echo" domine clairement l'album, en plus d'avoir le meilleur son. La batterie de Gerry Brown, sans pour autant posséder ce son si typique de la décennie abhorrée par beaucoup, n'a pas beaucoup de puissance, elle sonne assez platement.

Globalement, quand on a suivi l'histoire de KRAAN depuis ses débuts, on ne peut s'empêcher d'être franchement déçu. À part un morceau placé qui plus est en début de disque, il paraît difficile (mais pas impossible, la nuance est importante ici) de considérer l'idée d'y trouver quelques pépites dignes de figurer parmi ce que la formation a proposé de meilleur. Il vaut quand même le coup d'oeil, la musique n'y étant pas insupportable. Enfin, avec KRAAN, elle ne l'est jamais, même sur l'opus suivant, un certain X.