Comment expliquer la magie d’un album parfait ? S’agissant de Répression, on peut évoquer les textes incroyables qui ont su si justement toucher l’air du temps et éveiller la conscience politique et sociale de hordes de jeunes boutonneux, comme de beaucoup de leurs aînés. On peut aussi parler de ce chant si décalé au regard des normes du genre, de cette diction pleine de rage et de précision, probablement plus proche du Punk que d’un pseudo-blues que Bernie essaye d’endosser avec un succès mitigé depuis de longues années ; étonnant d’ailleurs que ce style n’ait pas fait plus d’émules, au lieu du chant suraigu si mal adapté au français adopté par la plupart des groupes de Hard & Heavy de l’hexagone dans les 80’S.
Impossible également de ne pas réserver une place prépondérante à la guitare du génial Nono, dont chaque riff, chaque solo, chaque intervention suinte la classe par tous les pores, et qui nous pond avec "Antisocial" un des plus grands riffs de l’histoire du métal.

Parlons des compositions enfin. Touchés par la grâce, nos gaillards gomment tous les défauts d’un premier album déjà énorme et accouchent d’une flopée de titres étincelants, croisement de leurs racines hard-blues et de la sauvagerie du punk et du heavy-metal de la NWOBHM.
Ça donne "Antisocial", hymne éternel, "Monsieur Comédie" à l'intro magique en fausse piste rock’n’roll, "Instinct de mort" nimbé d'une ambiance prodigieuse et oppressante, "Fatalité", rock survitaminé quasi Heavy, "Saumur", summum du hard-blues made in France, "Le mitard", titre fabuleux au riff monstrueux, peut-être le meilleur de l’album, et encore "Sors tes griffes" qui évoque si bien cette descente aux enfers des 'ex-taulards' avec le fantastique break scandé par Bernie.
Voilà pour les merveilles, ajoutons que "Au nom de la race", "Passe" et "Les sectes" sont loin d’être des titres de remplissage, mention spéciale à la gouaille mêlée de rage du dernier.
En dix morceaux et quarante minutes, TRUST roulait à tombeau ouvert sur l’autoroute de la gloire et gravait l’œuvre légendaire du Hard & Heavy français. La suite est connue, encore deux très bons albums puis la longue chute ponctuée de quelques sursauts (dont certains jolis). TRUST n’a néanmoins jamais totalement assumé l’héritage de cet album insurpassable, et à souvent préféré lui tourner le dos que l’assumer totalement (voir la façon dont ils l’interprètent désormais, comme depuis de nombreuses années). C’est de mon point de vue une grave erreur, tant le costume de l’époque était fait pour eux, et celui qu’ils essayent d’endosser depuis nous les renvoie gênés aux entournures et mal fagotés (je ne parle pas de la période récente, plutôt respectable, mais on ne peut plus attendre de leur part une inspiration à la hauteur de celle de la grande époque).

Il nous reste ce brûlot qui conserve plus de quarante ans après une puissance déflagratoire ahurissante, l’album ultime en français, rarement imité (sauf peut-être dans les textes par quelques rappeurs bien plus tard) et jamais égalé. Rien que pour cela, TRUST mérite une place éternelle au Panthéon du hard-rock, et c’est déjà beaucoup.