Comme souvent, chroniquer un album de TRUST est un exercice périlleux. Balloté entre les séparations, les reformations, les velléités d’innovation, puis de retours aux sources, il est parfois bien difficile d’aborder un disque du type de ce 13 A Table sans a priori.
Le genre d’album qui appelle à la réflexion : à qui appartient la musique ? A ses compositeurs ou au public ?
Des artistes ayant acquis un certain statut peuvent-ils disposer comme ils l’entendent du style qu’ils ont créé, des rêves qu’ils ont fait naître auprès de leurs fans ? Peuvent-ils décider qu’après tout c’est leur vie, leur inspiration et qu’ils sont donc libres de leurs choix ?
Si la réponse est bien évidement « oui », cette question, je me la suis souvent posée. Notamment en 1991 avec la sortie du « Black album » de METALLICA, puis en 1996 lors de la parution de Europe & Haine, encore un disque de TRUST.
En 2008, si la bande à Nono et Bernie continue dans la voie tracée avec ses 2 précédents opus, elle pousse le curseur bien plus loin en tournant le dos à sa légende passée pour se fabriquer une nouvelle histoire.
En effet, ce nouvel album joue encore plus à fond la carte de la diversité et de l’ouverture d’esprit.
Nous sommes désormais assez loin des bases blues rock / hard rock du groupe, pour évoluer dans un univers très moderne et bien plus métissé.

Le résultat ? Passé la première douche froide, force est de constater que le son est énorme et que les compositions se tiennent bien. Au niveau du son, bien plus que de l’utilisation d’un DJ, finalement assez discret, c’est la sobriété des guitares qui saute aux oreilles. A aucun moment, Nono ne fait parler la poudre. Il se contente de souligner et d’accompagner le chant de Bernie qui se taille la part du lion.
C’est en effet ce dernier qui sort « grand vainqueur » de cet album. Ses textes et son interprétation -il est impérial sur "Que Serais-Je Sans Moi ?"- sont indéniablement les points forts de 13 A Table. Les textes qui ont toujours forgé l’identité de TRUST sont là encore bien présents, quoique moins immédiats et faciles d’accès que dans les années 80. On a donc là un panel de paroles faisant état de bons sentiments et d’une conscience sociale assez « sage ». Les craintes que l’on pourrait avoir à l’écoute des paroles un peu « faciles », du single "Toujours Parmi Nous" ne sont cependant pas justifiées.

Pour ce qui est de la musique, exit le hard Rock. TRUST nous présente une palette très variée, allant du rock musclé ("Promesse Osée", "Tout Est A Tuer"), aux ballades plus ou moins rapides ("En Apparence", "La Morsure"), en passant par des titres aux sonorités plus modernes ("Après Les Hymnes"). Le très bon ("Vae Victis" et son intro en forme de dialogue, "En Apparence", "Promesse Osée") côtoie le plus dispensable ("Black Blanc Beur", "Des Mots"), mais l’ensemble reste de bonne facture.
Quid de la reprise piège, "Surveille ton look" ? Force est de constater que l’essai est plutôt réussi. Un peu comme ils l’avaient fait en 1988 avec cette même chanson lors d’un de leurs nombreux come-back, TRUST est parti de ce classique, pour quasiment recréer une nouvelle chanson. Le résultat est assez plaisant et suffisamment différent de l’originale pour que l’on n’ait pas envie de crier au sacrilège.

Après l’échec, autant commercial qu’artistique, de Ni Dieu Ni Maître (2000), il est plaisant de voir que le groupe est de retour avec un produit pour le moins sérieux. Ce 13 A Table est un album plus que correct et courageux pour peu que l’on ait un tout petit peu d’ouverture d’esprit. Délesté de quelques titres dispensables, il aurait même pu prétendre au statut de classique.
Comme il le fera 10 ans plus tard avec Dans Le Même Sang, TRUST nous surprend en se rappelant à notre bon souvenir de bien belle manière.