Renouveler l’exploit commercial et artistique de Répression était en 1981 une montagne telle que peu de groupes ont eu à en gravir. Pourtant, la foi et le talent n’ont pas manqué à Bernie et sa bande pour nous proposer cet excellent album de Hard-Rock, flirtant d’ailleurs bien plus que son prédécesseur avec les frontières du métal, ne serait-ce que par le son.
Tous les ingrédients d’ailleurs sont bien là : des riffs et solos de Nono inspirés et aiguisés comme des katanas dans les films de Tarantino à la voix vindicative de Bernie au service de compositions quasi irréprochables. Les nouveautés, comme le rôle accru de Vivi y compris au chant sur certains couplets, l’apport de Nicko Mac Brain, futur 'vous-savez-qui', l’adjonction d’une seconde guitare ou encore l’enregistrement à Londres sous la houlette du fameux producteur Tony Platt ne pouvaient que renforcer les acquis d’un groupe déjà bien solide sur ses bases.

Le disque tient de nombreuses promesses avec une flopée de classiques au sommet desquels quelques titres magnifiques se détachent. Mes préférés sont "La Junte" à la stupéfiante intro et à l’atmosphère magnifique, "Les Templiers" au riff magique qui renouvelle presque le miracle de "Antisocial", et bien entendu le monumental "Ton Dernier Acte", parfait et déchirant de bout en bout. Mais "Misère", "Les Brutes" ou encore "Certitude Solitude" sont presque du même niveau, alors que les quatre titres restant sont tous excellents également, aucun n’est à jeter.
A noter que si les textes de Bernie (et sa diction au passage) ne sont pas tous parfaits, le groupe renouvelle magnifiquement le spectre de ses sujets de révolte, avec cette fois une dimension beaucoup moins centrée sur les maux hexagonaux, et bien entendu le magnifique "Ton Dernier Acte", incroyable hommage à Bon Scott.
Tout le monde connaît l’histoire : malgré des ventes loin d’être ridicules, Marche ou Crève reste très loin du succès de son prédécesseur, et la tournée française qui suit ruine quasiment le groupe. Comment l’expliquer ? Je pense que quelques petites erreurs ont été commises : une pochette beaucoup moins impactante que la précédente et finalement peu lisible, un disque lancé par un titre correct mais manquant de pêche et au texte un peu maladroit (j’ai essayé d’intoxiquer un bulletin, ce n’est pas évident), une production moins dynamique, plus de métal et moins de Rock’n’roll (c’est pourtant sur ce point que le groupe pêchera plus tard), et probablement aussi moins de brûlots fédérateurs centrés sur des maux nationaux qui touchent finalement plus les gens. Quelques hésitations voire longueurs enfin sur certains riffs, quelques textes un peu moins lisibles et immédiats que de coutume, et le (grand) public s’éloigne.

Du coup, TRUST s’est retrouvé avec un superbe album et un sentiment d’échec absolument pas mérité tant Marche ou Crève continue encore aujourd’hui à voler bien au-dessus de la meute. Dommage vraiment.